En ville
Exilés du pont de l’A1/
Une évacuation chaotique
Dans la nuit encore noire de ce mardi 17 novembre, les flashs bleus des innombrables camions de police indiquent une opération en cours. Il est environ 4h15 quand les forces de l’ordre commencent à quadriller le secteur autour de la station de métro Porte de Paris. Le démantèlement du campement où survivent près de 2 500 exilés majoritairement Afghans se met en place. L’évacuation se faisait attendre à mesure que les nuits se rafraîchissaient.
Depuis juillet 2020, le campement du pont de l’A1 n’a cessé de s’étendre et d’accueillir toujours plus de demandeurs d’asile dans la promiscuité et l’insalubrité. Une réalité dans la continuité de 70 évacuations qui n’ont cessé de repousser les migrants en dehors de Paris depuis cinq ans.
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Sur le campement, dont l’accès est entravé pour les journalistes par les forces de l’ordre, certains tentent de trouver le sommeil sur des couvertures posées à même le sol, le plus près possible de la route où arriveront les bus. D’autres sont rassemblés autour d’un feu. Des bénévoles du collectif Solidarité migrants Wilson et d’Utopia 56 s’activent pour rassembler les affaires qui peuvent être sauvées. Cette évacuation ne sera sans doute pas la dernière et des personnes se retrouveront à nouveau à la rue très rapidement, à la recherche d’une tente et d’un sac de couchage.
« J’ai vu d’autres pays en Europe : l’Allemagne, l’Italie. La France, c’est le pire. Pourquoi est-ce qu’on dort dehors ici ? », s’interroge un jeune Somalien, le visage emmitouflé dans une écharpe. Non loin de lui, les sapeurs-pompiers interviennent pour éteindre les feux. « Les policiers n’entreront pas tant qu’il y aura les feux », déclare Raphaël, bénévole au sein du collectif. Il est 6h30 et, sous le pont, certains ravivent les flammes avec ce qu’il reste de leur campement de fortune. Les regards s’y perdent, comme celui de cet homme isolé qui s’apprête à partir avec pour seul bagage une mallette remplie de documents.
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Certains dansent, beaucoup se disent heureux de quitter le camp, avec l’espoir d’un départ marquant la fin de leur errance. « On veut apprendre le français, avoir une chambre. On veut étudier. En Afghanistan, j’étais mécanicien. Je veux l’être ici aussi », assure dans un anglais parfait Hamid, assis sur une couverture avec des amis. Les familles sont les premières à se diriger vers les bus censés emmener « 3 000 personnes », informe Yann Manzi, co-fondateur d’Utopia 56. Les familles, elles, représentent « 300 personnes ». Dans les poussettes, les enfants dorment malgré l’agitation et le froid mordant. Ces familles seront mises à l’abri dans « des hôtels, des centres » et les hommes seuls « dans des gymnases », détaille Raphaël du collectif.
Un millier d’exilés encore à la rue
L’organisation devient vite chaotique. À 9h, des familles attendent encore d’entrer dans les bus. Après la fumée, ce sont les gaz lacrymogènes qui prennent à la gorge, les forces de l’ordre commençant à en faire usage. Une bénévole d’Utopia 56 s’indigne, les yeux rougis : « Ils ont gazé des enfants, c’est la première fois que je vois ça. Les premiers bus étaient pour les familles et les personnes prioritaires, mais ça n’a pas marché. » « C’est la première opération uniquement organisée par la police », remarque Raphaël, sans la Mairie de Paris. Yann Manzi ajoute que « d’habitude, avec la Mairie de Paris, on évacue d’abord toutes les familles. On a proposé de simplifier le démantèlement. On fait en sorte que ça se passe bien et ça se passe mal ».
Les forces de l’ordre gazent à plusieurs reprises, ce qui crée des mouvements de foule. Quelques bagarres éclatent. Tous sont exténués d’une évacuation qui n’en finit pas. Aux côtés des policiers, un homme qui ne fait pas partie des forces de l’ordre s’époumone en anglais pour demander à tout le monde de s’asseoir et d’entrer au compte-gouttes dans les bus. À 11h, le campement est encore largement occupé alors qu’un camion commence à déblayer le long de la bretelle d’autoroute. Au centre du campement trône une montagne de tentes qu’espéraient récupérer les associations. « Tout va être détruit à cause du Covid, apprend Yann Manzi. Cela représente des dizaines de milliers d’euros. » À 15h, le collectif Solidarité migrants Wilson annonce sur les réseaux sociaux qu’il n’y a plus de bus pour un millier d’exilés. Chassés par les forces de l’ordre, ils se dirigeront à pied vers Porte de la Chapelle.
Marine Delatouche
« L’évacuation de 3 000 personnes, ça ne peut jamais bien se passer »Katy Bontinck, première adjointe en charge de l’hébergement d’urgence, a réagi suite à l’évacuation de mardi matin : « On avait demandé l’évacuation depuis le mois d’août, quand il y avait 200, 300 personnes. Ça aurait été mieux de gérer une mise à l’abri dans ces conditions. Cette nuit, on a constaté l’arrivée de nombreuses personnes du fait qu’elles ont été averties de l’évacuation. Notamment des familles.Elles ont été évacuées de manière prioritaire. Plusieurs centaines de personnes n’ont pas été prises en charge. Certaines ont causé des dégâts dans la ville cet après-midi. À la Plaine, des abribus ont été détériorés. On comprend la difficulté de la situation. Ne pas pouvoir monter dans un bus lors d’une mise à l’abri, c’est quelque chose de très difficile. L’évacuation de 3 000 personnes, ça ne peut jamais bien se passer. Ce n’est pas satisfaisant. On regrette cette évacuation tardive. » MD. |
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lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
18 novembre 2020
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18 novembre 2020
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18 novembre 2020
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19 novembre 2020
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21 novembre 2020
Horta (Pseudonyme non vérifié)
25 novembre 2020