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Histoire/
Des villes jumelées à la coopération décentralisée
En ce début du mois de février 1962, on ne voit qu’elle sur les murs de la ville. Cette affiche, bordée d’un large filet noir, annonce le décès de Abramo Oldrini, maire de Sesto San Giovanni, ville sœur italienne de Saint-Denis. Elle informe qu’une foule de plus de 50 000 personnes a assisté aux obsèques auxquelles participait Auguste Gillot, maire de Saint-Denis. Un an plus tôt, en octobre 1961, était signé à Saint-Denis le pacte de jumelage entre les deux cités communistes.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est un vaste champ de ruines. Tout est à reconstruire, à commencer par la paix entre les peuples. Il apparaît alors qu’un des moyens d’avancer dans cette voie est d’établir des relations d’échanges étroits, au niveau des communes. Les premiers jumelages témoignent d’une volonté de poser les bases de cette reconstruction. C’est ce chemin qu’emprunte Saint-Denis en nouant des relations étroites avec ces villes européennes. Outre Sesto San Giovanni (dans la banlieue de Milan), Saint-Denis au fil des ans, s’est jumelée avec Gera en République démocratique allemande (premier jumelage entre une ville de l’ex-RDA et une ville française), Coatbridge (en Ecosse) et l’arrondissement de Kievski, à Moscou (en ex-URSS). « Ce dernier jumelage, raconte Auguste Gillot dans ses mémoires, permit à la municipalité de prendre la décision de nommer Youri Gagarine (cosmonaute soviétique, premier homme à effectuer un vol spatial le 21 avril 1961) citoyen d’honneur de Saint-Denis. » Echanges de connaissance sur la vie locale, voyages de jeunes, enfants, étudiants, initiatives culturelles telle cette grande soirée à Saint-Denis de musique allemande organisée en 1964 à l’occasion du 15eanniversaire de la RDA et du 5eanniversaire du jumelage avec Gera, toutes ces initiatives contribuent à tisser des liens d’amitié profonds.
Saint-Denis et Sesto San Giovanni en froid
S’appuyant sur la loi de février 1992, autorisant les collectivités françaises à conclure des conventions avec des collectivités étrangères, et sa longue tradition d’accueil, Saint-Denis développe par la suite sa politique de coopération décentralisée. « A Saint-Denis, ville-monde, notre stratégie est de construire des ponts entre les gens », rappelle Kader Chibane, maire-adjoint aux relations internationales et à la coopération décentralisée. Des accords-cadres sur des projets sont signés. Parmi ceux-ci (1), celui avec Larbaâ Nath Irathen, (en Grande Kabylie, en Algérie) autour de la culture du cerisier conduit de 2010 à 2015.
A l’automne dernier une mission dionysienne s’est rendue sur place afin de tirer le bilan de cette coopération et envisager de nouveaux projets. Au Proche-Orient, Saint-Denis est lié par un accord de coopération décentralisée avec Nazareth (en Israël) depuis 2005. Dans ce cadre, des étudiants ont été accueillis à l’Université Paris 8 durant une année et des artisans des deux cités ont participé au marché de Noël de la ville. Après une rencontre l’an dernier, de nouveaux projets doivent voir le jour. En Cisjordanie, suite aux difficultés de maintenir des liens avec le camp de Rafah (bande de Gaza, en Palestine), une rencontre a eu lieu en 2018 avec les représentants d’Al Khader (en Cisjordanie), situé entre Bethléem et Hébron. Dans cette ville où un mur de séparation a été dressé par les autorités israéliennes, existe un patrimoine culturel important dont le monastère de Saint-Georges et les bassins de Salomon. Un partenariat reposant sur l’expertise de l’unité d’archéologie de Saint-Denis permettra de développer des projets autour de l’archéologie et du tourisme solidaire avec la valorisation du Sentier d’Abraham. Si des accords existent avec d’autres villes amies, il faut savoir que la ville de Saint-Denis a gelé, il y a peu, toutes ses relations avec son homologue de Sesto San Giovanni. Cette dernière, en s’engageant dans une politique xénophobe et stigmatisante envers certains de ses habitants, a renié toutes les valeurs communes qui fondaient leur jumelage. Néanmoins les relations d’amitié nouées au fil du temps entre habitants perdurent et les échanges scolaires se poursuivent.
Claude Bardavid
(1) La ville entretien de relations avec d’autres collectivités qui ne sont pas citées dans cet article : Karakoro et Djélébou (Mali), Tuzla (Bosnie-Herzegovine), Tiznit (Maroc) Santa Catarina (Cap Vert)