Portrait
Mahamadou Sangaré/
Le Monde est à lui
Il a déjà joué avec Omar Sy, Laurent Lafitte, Vincent Cassel, Isabelle Adjani, François Damiens ou encore Karim Leklou, Moussa Mansaly et Alban Ivanov. Cet été, on l’a même vu aux côtés de Camille Lellouche dans le clip Jolie Nana de la chanteuse Aya Nakamura. Pas mal pour un acteur, qui le 31 octobre, soufflera ses 23 bougies. « Franchement, ce n’est pas rien ! », se marre-t-il. Lui, c’est Mahamadou Sangaré. Un comédien 100 % 9.3.
Né à Aubervilliers à l’hôpital de la Roseraie, premières années à Saint-Denis à Franc-Moisin, puis adolescence à Bobigny dans le quartier de l’Abreuvoir, où il habite toujours. Enfant, Mahamadou a quitté tôt « le Franc », mais « chaque week-end, chaque vacances scolaires » il y revenait pour voir ses cousins et ses amis du quartier. Aujourd’hui encore, il s’y sent comme à la maison. « Je connais tout le monde », résume le séquano-dionysien.
Le fils d’Omar Sy à l’écran
C’est d’ailleurs dans sa cité d’origine que l’acteur autodidacte apparaît dans La Vie scolaire (sur notre photo lors du tournage), le deuxième long-métrage de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, qui en 2019 a fait un carton au box-office avec près de 2millions d’entrées. Une production entièrement tournée dans sa cité d’enfance et le collège Garcia-Lorca. « C’est un film Franc-Moisin, avec beaucoup de jeunes de Saint-Denis. Cela m’a fait plaisir de jouer chez moi », confie-t-il. Dans le film, il incarne Fodé, la vingtaine, un pied dans le deal, qui endosse le rôle de grand frère auprès de Yanis, le personnage principal, en échec scolaire. Mahamadou donne la réplique à des acteurs en herbe dionysiens comme Moryfère Camara, Aboudou Sacko ou Hocine Mokando. Grâce à ce tournage, il est content d’avoir laissé « une bonne image aux jeunes » de Franc-Moisin.
« Ce n’est pas parce que tu viens d’un quartier que c’est mort pour toi. Tu peux viser le sommet. Il faut avoir la dalle, y croire, être persévérant. » Lui a commencé le cinéma par hasard. « J’ai eu de la chance », reconnaît-il. Alors qu’il a à peine 13 ans, il passe une audition pour le film De l’autre côté du périph par l’intermédiaire du directeur de casting qui habite à Bobigny dans le même bâtiment que lui. Le réalisateur David Charhon l’appelle pour lui dire qu’il le prend pour jouer le rôle du fils d’un policier incarné par… Omar Sy. « C’était un truc de fou quand même ! Jouer avec un acteur que tu vois à la télévision ! » Un premier petit rôle et un saut dans le grand monde du cinéma. Jusqu’ici il n’avait fait que de la figuration pour des séries comme Aïcha ou Engrenages.
Après ce film, sorti en 2012, c’est la traversée du désert pendant six ans. « On ne me proposait plus que de la figuration. À certains moments, je n’y croyais plus. Je me disais que c’était mort. Mais je n’ai pas lâché. Je continuais à chercher des castings sur Internet », raconte-t-il. Il obtient enfin un rôle dans Le Monde est à toi du réalisateur Romain Gavras. Il joue l’un des deux Mohamed, un duo loufoque, dans la bande d’un jeune caïd cocaïnomane. Il côtoie « des Damiens, des Adjani, des Cassel ». « Tu te dis : “Je n’ai pas intérêt à niquer la scène quand je joue” », se marre-t-il aujourd’hui. Face à ce « beau monde », il ne se démonte pas. Et le film donne un coup de fouet à sa jeune carrière : en 2018, le séquano-dionysien monte les marches avec toute la troupe du film. Il trouve enfin un agent. Terminé de chercher un rôle tout seul « comme un chien » ! Il enchaîne avec La Vie scolaire. Récemment, il a tourné dans L’Horizon d’Émilie Carpentier, puis dans la comédie 30 jours max de Tarek Boudali, sorti le 14 octobre. Lorsque nous le rencontrons, l’acteur sort de plusieurs semaines de tournage pour le film Grand Paris de Martin Jauvat. Depuis, Mahamadou Sangaré multiplie les castings, mais à cause de la Covid, tout est au ralenti. « C’est compliqué », avoue-t-il. À côté de son métier d’acteur, ce titulaire d’un bac professionnel en maintenance des équipements industriels continue de travailler. Récemment comme manutentionnaire chez Chronopost ou encore mécanicien à la SNCF.
« Le cinéma, c’est un monde de requins. Il ne faut rien lâcher », décrit celui qui n’a jamais pris un seul cours de théâtre. Sa grande famille – il a 6 sœurs et 2 frères – et en particulier sa mère sont ses plus grands fans : « Quand elle me voit à la télé, elle kiffe. » Si pour l’instant le jeune homme d’origine sénégalo-malienne joue surtout des rôles de jeunes de cité, il aspire aussi à d’autres personnages et s’imagine même un jour à l’affiche d’un péplum du genre Alexandre. Parmi ses idoles, l’Américain Denzel Washington et le Britannique Idris Elba qu’il a adoré dans la série The Wire. « Il est très fort, dans ses expressions, sa façon de jouer, dit-il, admiratif de la filmographie de l’acteur. Il a même joué Nelson Mandela ! » Le théâtre, un jour ? « C’est un défi que je pourrais relever, assure-t-il, même si c’est plus difficile que le cinéma. Sur scène, tu n’as pas le droit à l’erreur. » Il se rêverait aussi réalisateur, d’un film sur l’histoire d’un jeune Africain en France. Des envies, Mahamadou en a plein la tête.
Aziz Oguz