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Vente à la sauvette /
Vers la tolérance zéro ?
Police ! ». Le mot a résonné maintes fois sur le parvis de la gare, ces dernières semaines. Un mot qui claque dans les abords récemment désertés de la place des Victimes-du-17-Octobre-1961. Les opérations accrues contre la vente à la sauvette menées début janvier, par les polices municipale et nationale semblent avoir eu un effet dissuasif. Le matin et en journée, les caddies des vendeurs de brochettes restent invisibles. Les paroles familières « Marlboro bled », « Lycamobile » se font moins audibles.
Le terrain des vendeurs de baskets de marque contrefaites, de bijoux et de matériel téléphonique est de plus en délaissé. Une « place nette » dont avait pu profiter Laurent Nuñez lors de sa visite éclair à Saint-Denis mi-novembre.
Laurent Russier avait alors interpellé le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur sur ce problème, « quotidien subi par les habitants ». Aujourd’hui, le maire continue d’interpeller l’État « sur tout ce qui relève de la contrebande de cigarettes », souligne-t-on à son cabinet. Sur le parvis de la gare, cette activité se mêle à celle des ventes de brochettes, de poisson, de maroquinerie ou d’accessoires de téléphonie mobile.
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En fin de soirée, quand la nuit commence à tomber, ce deuxième marché à ciel ouvert semble reprendre ses droits. Pour Baye Fall, l’action policière ne changera rien. « On va revenir. Ici c’est l’Afrique 2 », prévient ce Sénégalais de 38 ans, arrivé en France « par avion » en 2016. Vendeur de cigarettes Marlboro et de « Touba » (café sénégalais), Baye Fall vit dans le Val-d’Oise. « Chaque jour, je vends un kilo de café. C’est 1 euro le grand gobelet et 50 centimes le petit ». Le Sénégalais s’approvisionne grâce aux « GP », ces femmes qui transportent des commissions entre Paris et Dakar, en échange de quelques euros.
Quant aux cigarettes Marlboro qui proviennent du Mali, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, d’Algérie ou encore d’Ukraine, Baye Fall les achètent souvent par cartouche au prix de « 40 ou 42 euros ». « Des fois, je vends deux cartouches par jour, des fois, je ne vends même pas 3 paquets de cigarettes parce qu’on est beaucoup de vendeurs. Mais c’est mieux de faire ça que d’aller voler. Je suis là pour travailler et gagner de l’argent.
« Entre 250 et 300 euros par jour »
Depuis un peu plus d’un mois, la présence quotidienne sur le parvis de la gare des six agents de surveillance de la voie publique (ASVP) recrutés récemment par la municipalité vise à « éviter l’installation des vendeurs à la sauvette », clarifie John Gnahore, délégué à la tranquillité publique de la ville. « Aujourd’hui, avec six agents, on arrive à montrer une gare paisible, où il n’y a plus de vendeurs de brochettes », argumente le policier. La vente de brochettes – vendue au prix de 1€ l’unité - est l’une des activités posant le plus de « problèmes » aux forces municipales en raison des « nuisances », des « tensions », et de « l’insécurité sanitaire ». « Il n’y a aucune traçabilité », détaille le policier qui évoque une opération conduite il y a un mois par la police nationale durant laquelle « des kilos et des kilos de viande » ont été trouvés « dans un foyer à proximité ».
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Recettes en baisse pour les brochettes
D’où vient la viande ? Combien gagnent les vendeurs de brochette ? Il est difficile de dresser un état des lieux précis et chiffrés de cette activité, impliquant des vendeurs « non recensés », précise John Gnahore. Mais selon le patron de la police municipale, l’activité serait rentable : « Les vendeurs de brochette génèrent entre 250 et 300 euros de recettes par jour ». Aïcha, « l’une des premières Maliennes » de Saint-Denis à s’être installée à la gare, avec son caddie pour vendre des brochettes nous éclaire. En 2012-2013, cette mère de huit enfants, connue sur le parvis pour faire de la viande de bœuf halal « propre et bien assaisonnée » pouvait gagner entre 200 et 400 euros par jour. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
« À cause de la police, je vends moins ». Son discours rejoint celui de Diakhaby, ancien vendeur de Marlboro du parvis devenu agent de sécurité. « Comment vont faire les gens pour vivre si la police intervient et prend tout ? En France, si tu n’as pas de papiers tu ne peux pas vivre. »
Alors que son récépissé de demande de titre de séjour expire « bientôt », Diakhaby qui vit depuis 2014 dans l’Hexagone, reste « dans son coin », du côté de la Défense où il vit en colocation. Il y a trois ans, il a fait une garde à vue de 24h au commissariat de la ville pour avoir vendu illégalement sur l’espace public. S’il se rend encore sur le parvis de la gare « de temps en temps », c’est parce qu’il « aime venir ici. Il y a beaucoup d’Africains qui tournent à Saint-Denis ».
Lorsqu’on le questionne sur l’existence d’un réseau ou d’une filière organisée autour des cigarettes ou des brochettes, Diakhaby parle plutôt de « débrouille ». Il évoque les bagarres qui surviennent parfois entre les « Sénégalais, Maliens »et les « Arabes » et, les lieux de vente « où ça marche » mais où c’est « risqué ». Avant de conclure sur les actions policières de ces dernières semaines : « C’est chaud pour les vendeurs à la sauvette. Ce sont des gens sans problème » insiste-il. La Ville prévoit dans les prochains mois d’étendre sa méthode « d’intervention statique », rue de la République, place du 8 Mai 1945, place du Caquet et à la Porte de Paris.
Yslande Bossé
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