Cultures
Découverte archéologique /
Une surprise en forme de meules
Chaque année, le chantier de fouilles archéologiques programmées du Cygne délivre son lot de découvertes qui réjouissent les archéologues. Ce furent tour à tour des cuves de teinturiers, plusieurs tracés du lit du Croult, divers objets en céramique, des cuves de tanneurs, des puits et des traces d’habitat de différentes époques ou encore un bel abreuvoir en pierre. Cette année, nouvelles trouvailles avec l’apparition, à l’ouest du chantier, de plusieurs meules de moulin, dont l’une au moins est entière. « Nous sommes près du lavoir, quasiment au niveau de la nappe phréatique », précise Mathieu Ecrabet, qui conduit le chantier avec Michaël Wyss. Les archéologues ont déjà trouvé sept meules, certaines en plusieurs morceaux, d’autres entières. « Et il devrait y en avoir encore », lance Mathieu. « Ce fut pour nous une belle surprise en fouillant cette zone. On ne s’y attendait pas du tout », ajoute-t-il. C’est en recherchant les traces de l’un des fossés carolingiens que ces meules ont été mises au jour.
D’après les premières estimations des archéologues, ces meules témoignent de la présence ici-même d’un moulin à eau remontant vraisemblablement au Xe siècle, qui fonctionnait avec les anciens fossés carolingiens mis en eau. « Il s’agissait sans doute d’un moulin à roue verticale, avec une grande roue si l’on se réfère à la dimension des meules que l’on a trouvées », indique Mathieu Ecrabet. Reste une question, à ce jour sans réponse : à quoi servait-il, que moulait-il ? Quoi qu’il en soit, c’est là le plus ancien moulin à eau découvert à Saint-Denis ; « Jusqu’alors, les plus anciennes traces de moulin que nous avions trouvées ne remontaient “que” au XIIIe siècle », sourit-il.
Jusqu’à la fin du chantier, fin octobre, les archéologues vont rechercher d’éventuels éléments en bois appartenant au moulin, dont plusieurs éléments de construction en pierre ont été également découverts. Mais la chose n’est guère aisée du fait de la présence, à cette profondeur du chantier, de la nappe phréatique. Ils ont du creuser un canal d’évacuation et pompent régulièrement l’eau qui affleure. « C’est une fouille difficile », concède Mathieu, mais qui ne ralentit pas l’enthousiasme des bénévoles qui accompagnent les archéologues par sessions d’une semaine. Parmi eux, Sarah Cardonnet est étudiante en géologie à l’université Paris-Diderot. Dionysienne depuis deux ans, elle voulait élargir ses connaissances et s’est proposée pour participer à ce chantier. « C’est fatiguant, mais très intéressant. À Saint-Denis, je connaissais bien sûr la basilique, mais pas ce chantier, en plein milieu de la ville. Le premier jour, Mathieu nous a fait une présentation du Croult et du chantier en général, puis nous avons commencé la fouille. » Sarah n’en revient pas d’avoir trouvé ces restes de moulin, des os, des éléments de bois, de cuir… « Ça me plaît vraiment et j’ai envie de continuer, sans doute vers la paléontologie. C’est en tout cas une bonne expérience. » Les prochaines sessions de fouilles ouvertes aux bénévoles débuteront les 26 septembre, 3 et 24 octobre. Avis aux amateurs !
À l’autre bout du chantier, côté est, d’autres archéologues travaillent eux aussi d’arrache-pied. « Nous sommes ici sur la zone du deuxième fossé carolingien, sur un axe nord-est / sud ouest », annonce Mathieu Ecrabet. Durant l’été, ils sont tombés sur différentes couches de sédiments, des alluvions de la rivière. Ils sont actuellement au niveau de la marne. Le secteur de fouille est séparé en deux par un curieux muret en marne remaniée. « Cette structure n’est pas naturelle. Elle a été ajoutée mais on ne sait pas pourquoi. »
Plus loin, un puits a été découvert dans lequel ils ont trouvé des céramiques, dont un pichet glassuré vert complet du XIVe siècle. Ce puits, postérieur au fossé puisque creusé au même endroit, fait écho à celui de la même époque mis au jour en 2012 et dans lequel une grosse cruche avait été trouvée. Il reste donc presque deux mois aux archéologues enthousiastes, ne craignant ni les intempéries ni les chaleurs, pour assouvir leur double quête : atteindre ces fameux fossés carolingiens et découvrir d’autres traces du moulin, véritable star de cette campagne 2016.
Benoît Lagarrigue
Visites du chantier du mardi au vendredi de 13 h 30 à 16 h 30 jusqu’au 28 octobre. Ouvertures supplémentaire samedi 17 et dimanche 18 septembre de 13 h 30 à 18 h (Journées du patrimoine), vendredi 30 septembre de 19 h à 22 h et samedi 1er octobre de 13 h 30 à 18 h (Fête de Saint-Denis).
Renseignements et inscriptions à l’Unité d’archéologie (01 83 72 23 20).