Portrait
Nadine François /
Une certaine influence
« Vous avez du chocolat ? De la chantilly ? Alors vous pouvez faire un chocolat viennois ! » Nadine François s’est adressée au barman d’un bel établissement hôtelier dionysien avec courtoisie, mais fermeté. La boisson chaude dont elle avait envie ne figurait pas sur la carte, alors que tous les ingrédients étaient là pour la satisfaire. Sa consommation servie, Nadine dégaine son smartphone, cadre « à l’arrache » et poste la photo sur son compte Snapchat. En commentaire : « Faut pas lâcher, vous payez votre verre ! »
Nadine sait ce qu’elle veut et le fait savoir sur les réseaux sociaux où elle est une influenceuse active. « Je fais des images plus léchées pour Instagram car je n’ai pas la même audience. Et j’ai les marques. »
« S’inspirer des gens, pas copier les gens »
Des marques séduites par son blog nadinezvous.com et alléchées par les 13 k (comprendre 13 000) followers suivant régulièrement les conseils gourmands, mode et beauté de la trentenaire. « Elles ont fait le constat que les micro-influenceurs comme moi entretenaient plus de liens avec leur public que les influenceuses stars et qu’ils parlaient vrai. On a le vent en poupe. » Alors Nadine surfe sur cette vague dématérialisée mais financièrement concrète. Pas encore de quoi rouler sur l’or, surtout quand « c’est pour le moment [son] activité principale ».
Quoi qu’il en soit, elle tient droite sa ligne éditoriale. « Une marque de cigarette électronique m’a approchée. Mais je ne vapote ni ne fume. » Alors hors de question pour elle d’en parler, « même s’il y avait un gros chèque à la clé ». Pour travailler avec une marque en confiance, « il faut rester soi. S’inspirer des gens, pas copier les gens ».
Nadine est arrivée à Saint-Denis avec ses parents en 1999, dans le quartier du Centre cardiologique du Nord. « Avant, on habitait Clichy-la-Garenne. » Son père chef d’entretien ménager et sa mère femme de service ont quitté Haïti pour la France à la fin des années 1970. Un milieu modeste, qui n’a pas empêché Nadine de décrocher une licence en Science politique et Management public et un master en Affaires internationales. Pourtant, « en rédaction, je n’étais pas la meilleure », dit cette bûcheuse armée d’une assurance en béton. « Il faut du culot. S’accrocher et travailler toujours plus. »
Elle a potassé pour être assistante parlementaire, mais les éventuelles alternances droite-gauche ont eu raison de sa motivation. « J’ai eu peur de la précarité. » Elle intègre une ONG pour la lutte contre le sida, occupe un poste de chef de projet pub… En 2012, elle décide de suivre une formation de journaliste online. « J’ai eu du bol. À la fin du stage, j’ai décroché un poste en communication dans une association. Et je me suis rendu compte que j’étais la seule à ne pas être sur les réseaux sociaux… »
« Frappadingue de mode »
Alors Nadine se lance. « J’ai voulu faire un truc journalistique et un peu mode sur Saint-Denis. » Mais les commerçants locaux sont frileux : elle élargit donc à Paris. « Au début, c’était un blog sans prétention. » Mais quand elle commence à recevoir des dossiers de presse des marques, elle réalise « que [son] travail est pris en compte ». « Puis j’ai été invitée à des événements. » L’élégante est à l’aise dans tous les milieux. « Après tout, habiter chez les rois, ça n’est pas donné à tout le monde ! », lance-t-elle, gouailleuse.
Les looks que propose cette « frappadingue de mode » dénotent un talent évident pour associer les vêtements et les porter. Comme cette tenue composée « de sandales à 15 € et d’une robe à 22 € » dénichées à Saint-Denis et qui a remporté « un gros succès ».
Depuis deux ou trois ans, Nadine est adepte de la slow fashion. « J’essaie de moins acheter, de faire avec ce que j’ai. » Aujourd’hui, la jolie blogueuse qui n’a pas les deux pieds dans le même escarpin aimerait lancer « La Grande Parisienne ». « Un genre de City guide pour mettre en avant nos richesses et pour que les gens aient un autre regard sur le 93. » Et sur Saint-Denis, avec ses opticiens et ses fast-foods au kilomètre, qui pourraient faire croire que les Dionysiens « sont bigleux et adorent les chicken », plaisante-t-elle avec son sens de la formule et son franc-parler. Nadine, elle, aimerait faire découvrir le restaurant du TGP, son dernier coup de cœur, « atypique et où l’on se sent bien ». Comme une blogueuse sur la Toile.
Patricia Da Silva Castro