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Tri et renaissance des déchets
Toute la journée, un ballet continu de camions poubelles vient déverser des déchets recyclables dans cet entrepôt du Blanc-Mesnil. Des tapis roulants charrient plastiques, papiers, cartons, aciers, aluminiums jusqu’à des machines totalement automatisées qui trient 220 tonnes chaque jour. Les déchets qui viennent alimenter ce mythe de Sisyphe version recyclage proviennent de deux arrondissements parisiens (le 17e et le 8e) et surtout des villes de Plaine Commune. Dionysiens, c’est là-bas que finit le contenu de vos poubelles jaunes ! Y compris d’ailleurs les pots de yaourts, les barquettes en polystyrène ou les films plastique qui étaient exclus jusqu’à présent, et qui sont acceptés depuis le 1er janvier 2019.
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Cette « extension des consignes de tri » (ECT) « facilite le geste de tri », explique Anne Traband, ingénieure au Syctom, l’agence de service public qui gère le traitement et la valorisation des déchets ménagers de 85 communes en Île-de-France. Avec cet élargissement de la gamme des déchets recyclés, l’objectif est double : « Collecter plus de déchets, mais aussi revaloriser plus de types de matériaux, et accentuer le recyclage », résume Delphine Helle, conseillère municipale déléguée à la propreté.
Concrètement, comment cela se passe ? À Saint-Denis, une fois la poubelle jaune ramassée par les éboueurs, vos déchets prennent la route du centre de tri Paprec (en contrat avec Plaine Commune pour 4 ans) du Blanc-Mesnil, où les déchets recyclables seront répartis en fonction de leur matière. Le site tri 55 000 tonnes de déchets recyclables par an. Dont 1655,63 tonnes en provenance de Saint-Denis. Avant que commence le tri à proprement parler, une vérification visuelle par des opérateurs est nécessaire. « On peut trouver des cadavres d’animaux, des jantes de voitures, ou des blocs de béton dans les déchets recyclables… Il faut donc protéger la chaîne de tri et les opérateurs », explique Hugues Libaudiere, le directeur du site.
Plus d’achats en ligne, plus de cartons…
Une fois le pré-tri passé, débute le « décartonnage », une étape qui vise à séparer les gros cartons bruns du reste des déchets. Il est nécessaire de le faire tôt dans le processus car ces grands cartons pourraient recouvrir d’autres déchets et donc gêner le tri. Ces emballages se multiplient depuis quelques années, en partie du fait de notre propension à acheter en ligne, et donc à se faire livrer des colis empaquetés… Papiers et cartons (ce qu’on appelle dans le métier les « fibreux ») peuvent représenter jusqu’à 50 voire 60 % de nos déchets recyclables. Chaque étape de tri est reliée par des grands tapis roulants noirs, qui avancent plus ou moins vite. Sur ces langues géantes, on voit défiler tout un univers. C’est une plongée dans l’intimité des habitants du coin. Se succèdent sous nos yeux des feuilles de cours, des courriers officiels, des boîtes de pâtes, des sacs plastique, des paquets de chips, des boîtes de nuggets surgelés Carrefour, des prospectus « Vacances à la Française, bienvenue en Jordanie », une liste manuscrite de verbes irréguliers d’anglais, des exercices de maths, les pages saumon du Figaro. Mais aussi un parapluie Hello Kitty rose qui aurait dû être retiré au pré-tri et qui a échappé à la vigilance des opérateurs.
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Tous ces déchets sont menés à plus de 8 mètres de haut dans le tromel, un grand panier à salade qui sert à séparer les matériaux par taille, mais aussi à désolidariser les déchets imbriqués. Par exemple les plastiques ou les canettes en aluminium que vous avez consciencieusement coincés dans la boîte en carton de céréales pour gagner de la place dans votre poubelle jaune, mais qui complique les étapes du tri. Une fois débarrassée des déchets trop petits (moins de 6 cm), la chaîne va séparer les fibreux des « corps creux » (le mot technique pour parler des bouteilles, des boîtes de conserve, tous les contenants).
C’est l’étape du criblage balistique. Des trieurs optiques vont ensuite encore affiner le tri. Un robot scrute les déchets qui passent sur son tapis à la vitesse folle de 4 mètres par seconde et envoie valser dans les airs ceux qui n’ont rien à faire là. Des jets d’air comprimé font s’envoler bouteille de lait et canette de coca vers des tapis qui les emmèneront dans la bonne file. 9 trieurs optiques sont répartis sur l’ensemble de la chaîne.
30 opérateurs en bout de chaîne
En bout de chaîne, les opérateurs qualité viennent prélever les derniers éléments qui étaient passés entre les mailles des filets. C’est l’un des seuls moments où la main de l’homme est nécessaire dans tout le processus de tri. Seuls 30 opérateurs suffisent à son bon fonctionnement. Les déchets sont ensuite compactés en grosses balles, de 600 kg à une tonne, « pures » (c’est-à-dire correctement triées) à 98 %. En moyenne, un déchet aura passé 7 minutes dans le circuit du tri, entre son dépôt dans la trémie d’alimentation, la première benne en début de chaîne, et sa mise en balle. Mais ce n’est que le début de l’aventure pour vos déchets. Une fois qu’ils sont triés, ils vont être revendus à des usines de recyclage.
Pour 2017, au niveau du Syctom (alors 84 communes, 431 504 tonnes récoltées, pour un peu plus de 5,7millions d’habitants), la revente des déchets triés à des recycleurs aura rapporté 19 millions d’euros, dont 6,9 millions d’euros pour le carton, 4,7 pour les journaux magazines et 1,7 pour les emballages plastique. En attendant d’être envoyés dans ces usines, ils attendent sagement dans l’entrepôt, en tas qui peuvent dépasser les 5 mètres. C’est là que finira aussi le papier sur lequel est imprimé cet article. Avant qu’il soit recyclé et que le processus recommence !
Arnaud Aubry