À la une En ville
127, rue Gabriel-Péri/
Splendeur et décadence d’une copropriété
Voilà un immeuble qui ne manque pas d’allure avec son balcon d’angle, et sa corniche en surplomb des deux étages. Situé à l’intersection de la rue Gabriel-Péri et du boulevard Carnot, il est flanqué d’un avant-corps auquel a été accolé un bâtiment en brique percé de baies vitrées. Construits au cours du XIXe siècle dans un style classique pour le plus ancien, et faubourien pour l’autre, les deux édifices n’en forment pas moins un ensemble de belle facture. Ils constituent en tout cas une seule et même copropriété, qu’administre le syndic SDC, installé dans les lieux depuis 1991.
Ajoutons pour compléter le tableau que le rez-de-chaussée est occupé pour l’essentiel par le plus grand magasin d’optique de la ville. Ainsi décrite, cette copropriété à l’adresse du 127, rue Gabriel-Péri a tout l’air d’être à l’image de celles pimpantes, voire classieuses, que le syndic fait figurer sur son site. Mais celle-là n’y figure pas. Pour cause. Enduit écaillé, moulures en grande partie désagrégées, gouttières trouées d’où suintent des coulées de moisissures noires, les façades du 127 Péri restent parmi les plus délabrées de ce centre-ville où bon nombre ont été ravalées ces dernières années.
Les occupants en danger
« Mais nous, on a une façade végétalisée », ironise une copropriétaire à propos des plantes et arbustes qui prospèrent sur une gouttière d’eau pluviale. Avec elle, ils sont une poignée qui ont entrepris depuis deux ans de tout mettre en œuvre pour remédier à des désordres qui n’affectent pas que les façades. 18 lots, dont deux commerces, composent la copropriété détenue par autant de propriétaires dont plusieurs SCI, parmi lesquels un huissier de justice et une société de location de logements. En 2015, pourtant, c’est sur le signalement d’une locataire que la Mission habitat indigne (MHI) de la ville visite les parties communes et dresse un état des lieux « préoccupant », assorti de la menace d’une procédure d’insalubrité.
Le rapport, adressé au syndic, mentionne à maintes reprises infiltrations, moisissures, défaut d’étanchéité. Y compris au plus près de fils électriques sous tension, qui mettent en danger les occupants. La MHI conclut par la prescription de travaux à inscrire au plus vite à l’assemblée générale de copropriété. Mais aucune AG n’est convoquée cette année-là, ni la suivante. Il faudra attendre 2017 où une majorité s’oppose au ravalement de façades et à la nomination d’un architecte pour établir un programme de rénovation.
LIRE AUSSI : Insalubrité, ces immeubles en danger
La menace d'un arrêté d'insalubrité
En 2018, alors que des travaux sont enfin votés, mais pour la seule façade, la MHI est alertée par l’association Copro Libres. Cette fois, la menace d’un arrêté d’insalubrité se fait plus précise. Car l’Agence régionale de santé est informée de la présence de peintures au plomb dans les parties communes. Et à la liste des désordres qu’elle vient de relever, la MHI ajoute celle des risques multiples pour la santé des occupants, pathologies respiratoires, électrocution ou incendie. Un délai de 12 mois est notifié pour mener à bien l’ensemble des interventions. Dans la foulée, le conseil syndical sollicite la société Urbanis, opérateur du PNRQAD à Saint-Denis, pour les accompagner notamment par la demande de subventions mobilisables au titre de la convention OPAH-RU (Opération programmée de réhabilitation de l’habitat-renouvellement urbain).
L’ensemble des propriétaires suivront-ils en mettant enfin la main à la poche ? En préalable aux travaux, le 127 Péri devra aussi se débarrasser des squatteurs, qui occupent un logement préempté en 1994 par la Ville, où son souvenir s’était effacé. Un ancien locataire en avait profité pour en usurper la propriété. Pourquoi un tel état des lieux ? Au nom du syndic SDC, Thierry Michel fait d’abord valoir la responsabilité des propriétaires, seuls décisionnaires. Et les projets qu’il leur avait soumis, avec plus ou moins de succès, pour la remise en état du bâtiment. Il pointe aussi une « situation d’impayés récurrente », et des dégradations accélérées imputables à des « copropriétaires indélicats » qui subdivisent pour louer leur appartement, où l’on peut « compter jusqu’à dix lits superposés » !
Marylène Lenfant
« Un syndic n’est pas décisionnaire »Les explications de Thierry Michel, de SDC, syndic de la copropriété. Lejsd.com : Comment expliquer que les bâtiments composant la copropriété du 127, rue Gabriel-Péri, soit en si piteux état, et semble-t-il depuis plus de vingt ans ? Thierry Michel, du syndic SDC : D’importants travaux de rénovation ont été réalisés en 1990 dans le cadre d’une première O.P.A.H. (Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat). Ils ont été initiés avant que ma société ne soit désignée en qualité de syndic. Et ont été réalisés dans un contexte de tensions financières du syndicat des copropriétaires qui l’a contraint à confier une mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à la SEM du Logement Dionysien, y compris pour le financement des travaux dans leur totalité. Ces travaux n’ont pas porté sur la toiture. Ils avaient pour objet la réfection des réseaux électriques et d’eau, le ravalement des façades intérieures (courettes) et extérieures, et la réfection des parties communes intérieures. Ces travaux auraient dû être de nature à pérenniser le bâti pour, au moins, une bonne quinzaine d’années. Or, le ravalement qui ne bénéficiait que d’une garantie biennale (application d’une peinture sans imperméabilisation de la façade) a présenté ses premiers défauts dès la troisième année. J’avais proposé en 1993 d’engager une action judiciaire à l’encontre des différents intervenants sur l’enveloppe extérieure du bâtiment. La proposition de résolution fut rejetée à l’unanimité des copropriétaires présents. A l’assemblée générale de 1996, je réitérais un projet de résolution de mise en jeu des garanties légales décennales qui fut également rejeté ; des travaux d’intervention sur la toiture étaient alors votés. En 2000, je soumettais un projet de résolution visant la réfection d’une courette intérieure qui était à l’origine d’infiltrations importantes. Le projet de résolution fut rejeté avant d’être voté en 2001. En 2003, s’est produit un affaissement du plancher qui a entraîné sa destruction sur la quasi-totalité de la surface de mes bureaux qui forment également le plafond du local commercial du rez-de-chaussée (opticien). En 2004, ces travaux ont été votés et exécutés pour un montant total de 103 098 €. Lejsd.com : La copropriété est-elle confrontée à des problèmes de trésorerie ? Thierry Michel : Tout au long de ces années et encore très récemment, la copropriété a été affectée par d’importants impayés qui ont tous été recouvrés. Cette situation récurrente jusqu’il y a peu, ainsi que des problèmes liés à la suroccupation de certains appartements par des occupants (dénoncée aux autorités) ayant, effectivement eu pour effet, non seulement de désorganiser la trésorerie du syndicat, mais également la survenance de dégradations très accélérées tant au niveau des parties communes que des parties privatives. Ces faits expliquent les difficultés rencontrées par la copropriété pour la tenue de l’immeuble et sont plutôt liés à la présence d’une part de copropriétaires rencontrant de réelles difficultés à faire face au règlement de leurs charges et d’autre part de celle de copropriétaires indélicats qui provoquent la sur occupation de leur appartement qu’ils n’hésitent pas à mettre en « co-location » jusqu’à y compter plus de 10 lits superposés.
Lejsd.com :Le syndic de la copropriété étant sur place, on peut s’étonner néanmoins de l’état des lieux qui a valu à la copropriété deux courriers de la Mission habitat indigne (MHI), en 2015 et 2018, insistant sur la dangerosité de l’installation électrique, la toxicité de la peinture au plomb, etc., jusqu’à envisager de demander une procédure de déclaration d’insalubrité…
Depuis son entrée en fonction la Société Dionysienne de Copropriétés (SDC) n’a cessé de relayer auprès des copropriétaires les courriers reçus de la Mission Habitat Indigne. Ce travail est en train de porter ses fruits. En ce qui concerne l’électricité, chaque année l’APAVE (organisme spécialisé dans la maîtrise des risques) procède à un contrôle poussé des installations intérieures à mes locaux qui reçoivent du public. Et je peux affirmer (rapport annuel à l’appui) que les parties communes ne sont impactées par aucun défaut majeur de nature à compromettre la sécurité du public. En ce qui concerne le traitement du plomb dans les peintures, après la saisine de l’Agence Régionale de Santé, nous travaillons pour qu’il y soit remédié en collaboration avec l’ensemble des acteurs institutionnels locaux concernés. Lejsd.com : Mais pourquoi avoir tant tardé à programmer la rénovation qui s’impose ? Un syndic n’est que mandataire d’un syndicat des copropriétaires et non pas décisionnaire. En juin 2014, l’assemblée générale des copropriétaires décidait le principe de la réalisation de travaux de rénovation, sans cependant faire le choix de l’entreprise et ce sur l’insistance du seul copropriétaire opposant aux dits travaux, représentant à lui seul 397 tantièmes de copropriété sur 841. En janvier 2017, une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution (architecte pour suivre les travaux) n’a pu être décidée en raison de l’opposition de ce copropriétaire. De même, les devis de ravalement des façades, courette et coursive intérieure, dans le prolongement de l’injonction reçue de la ville de Saint-Denis en novembre 2015 étaient rejetés à la majorité de 451 / 755 présents…Ce n’est qu’au cours de l’assemblée générale d’avril 2018, que le copropriétaire majoritaire s’est finalement rallié à la majorité des autres copropriétaires. Et il a été décidé la souscription d’un prêt collectif permettant le financement des travaux. Recueilli par ML |
Réactions
David (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
David (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
GOBE TOUT (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
Oh my god (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
coproencolere (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
alain56 (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
Mourad (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
marylene.lenfant
07 mars 2019
Copro colère (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
Abdel (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
alain56 (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
Monstdenis (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
dida (Pseudonyme non vérifié)
07 mars 2019
David (Pseudonyme non vérifié)
08 mars 2019
David (Pseudonyme non vérifié)
08 mars 2019
léon (Pseudonyme non vérifié)
09 mars 2019
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
11 mars 2019
EDS JOTY (Pseudonyme non vérifié)
11 mars 2019
Copro colère (Pseudonyme non vérifié)
11 mars 2019
Lachapelle93 (Pseudonyme non vérifié)
16 mars 2019