Cultures
Sorj Chalandon devant les lycéens : « Lisez ! C’est la liberté… »
Les élèves de la 2nde 14 du lycée Paul-Éluard qui font partie du jury du prix Goncourt des lycéens 2009 (lire JSD n° 801 du 30 septembre) poursuivent leur marathon de lecture. Et ils avaient rendez-vous, mercredi 14 octobre au matin, avec l’un des quatorze auteurs présélectionnés. Sorj Chalandon, c’est lui, n’est pas n’importe qui. Trente-quatre ans journaliste à Libération, dont vingt comme reporter de guerre, aujourd’hui au Canard enchaîné, il a connu les pires conflits qui ont endeuillé la planète : Irak, Palestine, Liban, Afghanistan, Irlande du Nord… « J’ai été au contact du pire de ce que nous sommes, c’est pourquoi j’ai eu envie d’écrire autre chose », explique-t-il avant de présenter La légende de nos pères (1), son quatrième roman, en lice donc pour le Goncourt. Le « grand », et celui des lycéens. « Celui-ci, c’est un vrai prix de lecteurs, qui nous aiment ou pas. Il n’y a pas d’arrangements possibles. C’est encore plus angoissant ! », sourit-il.
« Ce qui me tient debout, c’est l’esprit de résistance.»
La légende de nos pères se déroule aujourd’hui mais a pour cadre la Seconde Guerre mondiale. Le narrateur, qui n’a pas su ou pu parler vraiment avec son père ancien résistant, décédé, est biographe familial. Il est contacté par une femme, Lupuline, qui lui demande de raconter l’histoire de son propre père, Tescelin Beuzaboc, qui fut lui aussi résistant… D’une belle écriture, charnelle, pleine de sève et d’humanité, Chalandon nous parle de la mémoire et de sa transmission. Mais pas seulement. « Ce qui me tient debout, c’est l’esprit de résistance. J’espère que vous l’avez aussi ! », lance-t-il aux élèves, déjà captivés. « J’ai voulu rendre hommage à ceux qui sont restés debout, grâce à qui nous sommes là, aujourd’hui. Mais je voulais aussi parler de ceux qui n’ont rien fait, les comprendre sans les juger… »
« On n’écrit que si l’on en ressent absolument le besoin, au fond de soi-même »
Le silence de l’écoute fait alors place aux questions. Une élève demande si tel événement raconté (le massacre d’Ascq en avril 44, le bombardement du dépôt de Lille…) a bien eu lieu ; une autre le questionne sur les liens entre les personnages ; un troisième sur le choix du titre. À chacun, Sorj Chalandon répond, explique, plein d’humilité et de sincérité, avec ses mots simples et chaleureux, chargés de ses valeurs d’homme. D’autres questions fusent, sur la guerre, sur l’engagement (« je me demande toujours ce que j’aurais fait, et je ne le sais pas… »), sur l’écriture. « Écrire, c’est un plaisir, mais on n’écrit que si l’on en ressent absolument le besoin, au fond de soi-même », se confie-t-il. « Pourquoi vos personnages font cela ? », questionne un lycéen. Il lance une explication, ajoute : « ou pas… », « peut-être… », demande ce qu’en pensent ses jeunes lecteurs, les invite à imaginer, et brutalement la cloche de fin du cours sonne. Personne ne bouge. D’autres questions surgissent. « Que faut-il faire pour écrire ? » « Lire ! », répond-il aussitôt. « Si je devais donner un seul conseil, c’est celui-ci : lisez ! C’est une fenêtre que l’on ouvre, c’est la liberté… »
Benoît Lagarrigue
(1) La légende de nos pères, de Sorj Chalandon, éditions Grasset, 256 pages, 17 €.
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