Portrait
Daoud Tatou/
Son combat pour les autistes
En ce mardi après-midi de début octobre, la patinoire de Saint-Ouen est plongée dans une atmosphère inhabituelle. « Lumières, moteur, action. »
Éric Toledano et Olivier Nakache, les réalisateurs d’Intouchables, sont en plein tournage de leur prochain film. Dans un coin du plateau, Daoud Tatou observe. Ce Dionysien de 44 ans, petites lunettes et corps massif, est une des inspirations principales du film. Il y est interprété par Reda Kateb. « Le mot honneur est trop faible », juge-t-il humblement.
Daoud Tatou est le fondateur du Relais Île-de-France, une structure ouverte depuis 2000 qui prend en charge des jeunes autistes à partir de l’âge de 14 ans et qui sont « Scated, c’est-à-dire les Situations complexes en autisme avec trouble envahissant du développement », précise-t-il avec son débit mitraillette et sa passion des acronymes. Les Scated, ce sont les cas lourds. 15 d’entre eux sont pris en charge par jour, tous les jours de l’année, y compris les week-ends, les jours fériés et les vacances.
100 personnes formées par le Relais
Il a lancé le Relais pour combler un déficit : « Il manque 37 000 places en France… », rappelle-t-il. Des autistes qui se retrouvent sans institution, donc sans prise en charge. Au début des années 2000, il habite les Tarterêts, une cité de Corbeil-Essonnes. « J’ai demandé à quelques jeunes du quartier de me donner un coup de main pour s’occuper de jeunes autistes le week-end de temps en temps. C’est comme ça que le Relais Île-de-France a commencé. » Car son association associe à la prise en charge d’autistes la réinsertion sociale et professionnelle.
Depuis dix-huit ans, 100 personnes ont été formées par le Relais, et 64 ont même été diplômées. « Je suis fier d’aider des jeunes qui faisaient le mur à devenir des éducateurs spécialisés chevronnés », insiste-t-il.
Beaucoup de divorces chez les parents d'autistes
La prise en charge au Relais Île-De-France est par essence temporaire. « L’objectif est de diminuer les troubles du comportement de la personne autiste et de permettre son accès rapide à une institution », résume Daoud Tatou. Cela passe par des activités cognitives mais aussi socialisantes : aller au bowling, apprendre à faire la queue au cinéma ou à commander un café. Ces activités servent à faire gagner en autonomie les personnes autistes. Et puis aussi à « décharger les parents, pour permettre aux couples de se retrouver – il y a beaucoup de divorces chez les parents d’autistes –, de se concentrer sur la fratrie qui peut parfois être délaissée... » Et puis pour ces cas difficiles, cela permet d’avoir une continuité dans une prise en charge, car l’unique alternative, souvent, c’est l’hôpital psychiatrique « qui est un lieu d’enfermement pour les autistes, pas un lieu de soin », martèle Daoud.
Une rencontre va jouer un rôle crucial dans sa vie professionnelle. Celle de Stéphane Benhamou, fondateur du « Silence des Justes », une autre association qui s’occupe des personnes avec autisme. L’un est juif, l’autre est musulman, tous les deux pratiquants. Personne ne croyait qu’ils pourraient s’entendre. Et pourtant ! Cela fait plus de vingt ans qu’ils collaborent, rapprochés par leur foi et surtout par leur combat pour les personnes autistes. Ils organisent des sorties, des vacances ensemble, musulmans et juifs, patients et moniteurs ou éducateurs spés qui célèbrent le Ramadan ou le Shabbat. C’est cette fraternité, cette image de la laïcité qui a intéressé les réalisateurs Toledano et Nakache.
À la patinoire de Saint-Ouen, c’est l’heure de rentrer pour les jeunes autistes qui faisaient de la figuration dans le film. Chacun d’entre eux est accompagné par un éducateur. « C’est toujours du “un pour un” chez nous », indique Daoud Tatou. Il s’occupe de rameuter les troupes, ceux qui sont en retard alors que le van les attend. Mais il a toujours un geste ou un mot tendre : « Ça va, beau gosse ? », demande-t-il à un jeune autiste, ravi du compliment.
Arnaud Aubry
Réactions
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