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Covid- 19
/ Professeurs et élèves mobilisés pour un meilleur protocole sanitaire

La vague de contestation contre le protocole sanitaire renforcé proposé par le gouvernement n’épargne pas les collèges et lycées dionysiens. Depuis lundi 2 novembre, enseignants, élèves et personnels de la vie scolaire se mobilisent pour l’instauration d’un protocole sanitaire adapté aux réalités de leurs établissements. Jeudi 5 novembre au soir, la principale revendication demandée par plusieurs syndicats – l’accueil en demi-groupes – a été entendue. Le ministre de l’éducation nationale a annoncé que cet aménagement ne sera valable que pour les lycées, où davantage de cours à distance ont été également autorisés.
Jeudi 5 novembre au soir, Jean-Michel Blanquer a annoncé que l’accueil en demi-groupes des élèves seraient désormais possible dans les lycées uniquement. © Aziz Oguz
Jeudi 5 novembre au soir, Jean-Michel Blanquer a annoncé que l’accueil en demi-groupes des élèves seraient désormais possible dans les lycées uniquement. © Aziz Oguz

À chaque établissement, son protocole sanitaire « adapté ». Dès la rentrée des congés de la Toussaint lundi 2 novembre, des enseignants des collèges et lycées de Saint-Denis se sont attelés à l’élaboration d’un protocole sanitaire différent de celui proposé par le ministère de l’Education nationale, jugé insuffisant pour faire face à la pandémie de Covid- 19 au sein des établissements du secondaire. Dédoublement des classes, « concertation sur temps banalisé pour parler du protocole », mise en place de demi-groupes d’élèves, renforcement des agents d’entretien ou des assistants d’éducation… Les demandes faites par le personnel enseignant sont nombreuses et la mobilisation amorcée dans un contexte politique et sanitaire alarmant, marquée par une nouvelle période de confinement a été très suivie.

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Collèges Jean-Lurçat, Fabien, La Courtille, Elsa-Triolet, lycées Angela-Davis, Paul-Eluard, Bartholdi ou encore l’Enna… Des blocus ont été organisés notamment devant les grilles du lycée polyvalent d’application l’Enna ou celles de Paul-Eluard, et plusieurs professeurs ont fait valoir leur droit de retrait ou se sont mis en grève dès lundi 2 novembre. « Avec retenues sur salaire », explique Maud Valegeas, professeur de français en grève du collège Elsa-Triolet.

L’établissement s’était déjà mobilisé à la rentrée de septembre en raison du manque de personnel médical dans l’établissement, en pleine épidémie de Covid- 19. « C’est très tendu au niveau de l’établissement, poursuit l’enseignante syndiquée à Sud-Education 93. On était 60% de grévistes hier (ndlr, jeudi 5 novembre), et au niveau des surveillants, il n’y avait personne. On travaille depuis lundi avec des collègues sur un nouveau protocole sanitaire pour pouvoir accueillir les élèves dans de bonnes conditions ».

Sécurité des élèves

Sur la page Facebook « Collège Triolet - 93 en colère », les enseignants ont partagé les « aménagements proposés » au protocole sanitaire dit renforcé du gouvernement. « C'est pour pouvoir le mettre en place qu'il y a conflit avec l'administration », précise le post. Les enseignants proposent notamment la division des classes du collège en demi-groupe avec le système une classe une salle, préconisé par le gouvernement, une « signalisation fléchée » pour éviter le brassage des élèves et du personnel dans les couloirs ou encore un aménagement des services de la demi-pension… Au collège Jean-Lurçat, les revendications sont quasi-identiques. Réunis en AG mardi 3 novembre, les personnels du collège et les représentants de parents élus ont voté « la grève à la majorité à partir de ce jour. Ils sont soutenus dans cette démarche par les représentants des parents d'élèves », détaille un communiqué. Pour le personnel, le « protocole sanitaire "dit" renforcé » du gouvernement « n'en a que le nom et ne garantit pas la sécurité des personnels, des élèves ni de leurs familles ».

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Jeudi 5 novembre, 70% des effectifs étaient en grève, a précisé Fadi Makki, professeur d’EPS au collège Jean-Lurçat. Des aménagements des classes en demi-groupes sont également demandées explique l’enseignant. « On veut faire en sorte que les élèves ne soient pas déconnectés de l’école. On a quatre agents d’entretien en arrêt dans l’établissement et ils n’ont pas été remplacés. Cela pose problème pour la désinfection des salles », continue-t-il. « On n’a pas d’infirmières, ce qui pose aussi des problèmes car c’est à la vie scolaire de gérer tous les élèves qui pourraient être cas contact. On voudrait aussi une nouvelle distribution de masques gratuits pour les élèves parce que certains portent le même depuis le début de l’année et également des moyens techniques notamment dans les salles où l’ouverture des fenêtres n’est pas possible car elles sont cadenassées », ajoute Louise, professeure de français dans le même collège.

« Globalement soulagé »

Jeudi 5 novembre au soir, Jean-Michel Blanquer a annoncé que l’accueil en demi-groupes des élèves seraient désormais possible dans les lycées uniquement. Le ministre de l’éducation nationale a aussi validé la mise en place de cours à distance, toujours pour les lycées. Le même jour, dans l’après-midi, plusieurs organisations syndicales de l’éducation avaient appelé à un rassemblement massif devant la DSDEN de Seine-Saint-Denis, à Bobigny afin de faire entendre leurs revendications. « Ce qu’on demande depuis lundi, c’est ce que propose désormais le ministre », commente Clémence, professeure de SES au lycée Angela-Davis, dont 50% des personnels étaient en grève ce vendredi 6 novembre. On a l’impression que le ministre vient de réaliser les enjeux sanitaires en cours dans les établissements scolaires alors qu’on s’est mis en grève pour ça ». Pour l’enseignante, les annonces de Blanquer sont « un aveu d’échec. Il y a une semaine, il nous disait que tout était prêt pour la rentrée ».

Le fait que les demi-groupes aient été accordés aux lycées et non aux collèges montre que « le ministre veut clairement circonscrire le mouvement aux lycées, poursuit-elle. Il veut éviter que la contestation soit faite à la fois dans les écoles primaires, les collèges et lycées ». Le personnel enseignant qui a travaillé sur un protocole sanitaire « alternatif » avec l’aval des parents d’élèves sera appliqué dès lundi 9 novembre, malgré les réticences du chef d’établissement qui souhaite le mettre en place mardi 10 novembre. « On veut accueillir nos élèves le plus tôt possible », explique Clémence.

À Paul-Éluard, le blocus a été levé ce vendredi 6 novembre notamment grâce à l’opération « école morte » entamée par la FCPE du lycée qui a permis d’apaiser les choses, relate Marianne, professeure de lettres qui a suivi depuis le début la mobilisation. Pour l’enseignante, les annonces du ministre de l’éducation nationale concernant notamment les demi-groupes est un « soulagement ». « On avait peur que le lycée ferme. Dans un établissement d’un peu plus de 2000 élèves, il n’était pas possible de faire respecter les distanciations sanitaires et le non brassage des élèves. Le protocole du gouvernement était complètement caduc, c’est pour cela que dès dimanche 1er novembre au soir, on a fait une AG virtuelle avec des collègues pour demander la création des demi-groupes d’élèves ainsi que le recrutement d’agents d’entretien et du personnel de la vie scolaire. Aujourd’hui, on vient de recevoir un mail de la direction qui nous a prévenu que dès lundi, notre protocole sanitaire sera mis en place ».

Si le ministre de l’éducation nationale a lâché du lest sur la question des demi-groupes au lycée, le syndicat SNES-FSU qui avait appelé à une grève sanitaire nationale mardi 10 novembre, a décidé de maintenir cet appel en raison de « l’oubli » des collèges dans l’aménagement du protocole sanitaire, en particulier, le fonctionnement des demi-groupes.

Yslande Bossé