« J’ai passé la nuit avec des cadavres. » Mardi en fin de matinée un Stéphane Peu éprouvé lâche cette phrase à l’issue d’un point presse en face du 6, rue Paul-Éluard. La veille, lundi 6 juin, de 19h à 22h30, les flammes ont tué cinq personnes, épuisé des pompiers, fabriqué une quinzaine de familles sinistrées accueillies par les services de la mairie à l’école Jules-Vallès et soutenues par un accompagnement psychologique. Quatre de ces familles ont été logées à l’hôtel, les autres ont préféré passer le reste de la nuit chez des proches. Des habitants de l’immeuble voisin, au numéro 8, ont également été accompagnés. C’est l’appel téléphonique d’une habitante de la rue Gaston-Philipe qui nous a fait nous rendre immédiatement sur place, vers 19h20, lundi. Elle décrivait la hauteur des flammes qui sortaient d’une fenêtre, les voix d’enfants et de femmes qui hurlaient au secours. Puis, cet homme suspendu dans le vide qui finit par lâcher prise et tomber du troisième étage pour ne pas être brûlé vif.

Cinq morts, neuf blessés en urgence relative, dont trois pompiers, et deux blessés en urgence absolue

Le bilan, encore provisoire, est extrêmement lourd : cinq morts, dont l’identité n’était pas encore mise à jour par le labo de la PJ en milieu d’après-midi le 7 juin, neuf blessés en urgence relative, dont trois pompiers, et deux blessés en urgence absolue dont le pronostic vital est engagé, parmi lesquels l’une des personnes défénestrées. À 4h du matin mardi, tandis que les pompiers sortaient des décombres « les cadavres enchevêtrés », témoigne un agent de la mairie, les soldats du feu ne pouvaient dire si l’origine de l’incendie était criminelle ou accidentelle. Ils n’avaient qu’une certitude : les flammes s’étaient propagées de façon spectaculaire, avec une rapidité telle qu’elles sont venues à bout de la cage d’escaliers de l’immeuble. Son effondrement a considérablement freiné leur progression et c’est le renfort d’une grande échelle qui a permis de circonscrire totalement le feu.

Cet immeuble de dix-sept logements était-il insalubre ? La question s’est posée alors que les flammes sortaient toujours des fenêtres et du toit, mais la réponse de M. Peu n’a pas varié. Pour l’adjoint au maire en charge de l’urbanisme, le bâtiment « n’est pas insalubre au sens technique et juridique », excepté un appartement. Il précise toutefois que les caves étaient squattées et/ou sous-louées et que, surtout, les deux commerces situés en rez-de-chaussée posaient des problèmes récurrents de nuisances nocturnes et d’hygiène. D’ailleurs, le matin-même de l’incendie, l’un d’eux, le restaurant Briz Tropikal, s’était vu adresser par la police municipale une notification de fermeture. Jusqu’à fin 2015, l’immeuble était placé sous administration judiciaire. Depuis, un syndic a pris les choses en main à une double condition acceptée par la mairie : qu’elle l’aide financièrement à reprendre l’installation électrique des parties communes et qu’elle procède à la fermeture des caves. Saint-Denis connaît à nouveau le deuil et le quartier proche du TGP un véritable traumatisme. La Ville a mis en place une cellule psychologique au centre de santé du Cygne ce mardi jusqu'à 19h et mercredi matin jusqu'à 13h pour tenter de panser les plaies mentales.

Point presse incendie rue Paul-Eluard 2/2 from Le Journal de Saint-Denis on Vimeo.