Cultures
Musique/
Les Poupées russes dionysiennes s’effeuillent
Elles avaient déboulé à l’improviste il y a trois étés avec Summer 2015, un titre mashup (1) visionné plus de 74 millions de fois sur Youtube. Depuis, grâce à leur don pour les reprises bien senties, Lucie, Elisa et Juliette, avaient empilé, les quarts d’heures de gloire (cérémonie de clôture du festival de Cannes 2016), les tournées (Festival So French, so chic en janvier de cette année) et les récompenses (victoire de la musique 2017 pour la révélation scène), sans forcément avoir le temps de composer. « On s’est mis à la composition au printemps 2017, mais on avait envie de prendre le temps pour faire les choses bien et on n’a jamais voulu lâcher les rênes », annonce en chœur le trio dionysien. Et le résultat est à la hauteur des attentes.
Récit générationnel
Première réussite, Poupées russes ressemble aux résidentes de la Porte de Paris : éclectique sans être hétéroclite. Autrement dit ça part dans tous les sens musicalement (rap, hip-hop, chansons françaises, musique classique, influences orientales, électro-dance, etc…) mais ça se tient. Et même à l’intérieur de chaque morceau il y a du mouvement. « C’est peut-être ce qui reste de l’esprit mashup de nos précédentes productions. Pour le reste l’album est le reflet de toutes nos influences, communes ou individuelles. » Des influences qui sont même parfois l’objet d’hommages au creux de textes tous intelligents et léchés. Dans La nuit, premier titre de l’album rendu public (avec Mathieu Kassovitz dans le clip), L.E.J, en une phrase, glisse un double clin d’œil appuyé à Bashung et à Saint-Denis. « La nuit, on ment, on prend des trains sans savoir où ça nous mène. La nuit on ment on prend des trains à travers la plaine. » La Rochefoucauld, Booba et Delafontaine sont aussi convoqués au fil des verres écrits à huit mains avec la complicité d’Ozarm. Des paroles souvent autobiographiques à l’instar de celles de Poupées russes ou du Buzz et qui questionnent, sans en avoir l’air, la génération Y (2) sur son égocentrisme (Par Ego, feat.Sofiane), son caractère ultra connecté (Dis siri) ou son hédonisme forcené (Miss monde). Des filles qui n’hésitent pas non plus à chanter la sexualité dans L’Époux d’un soir et s’encanaillent à jouer la Saine saint n’y touche. « On adore jouer avec les mots dans la vie, s’amusent Lucie, Elisa et Juliette. On manie beaucoup la dérision également et entre nous on est un peu brut de décoffrage. Sans vraiment de tabou. Avec ce disque les gens vont donc vraiment nous connaître. Le nom de l’album est d’ailleurs tombé sous le sens. On dévoile au fur et à mesure beaucoup de faces cachées. » Dans cet effeuillage musical L.E.J scande aussi son amour du Verbe, et dit sa crainte de la Marée pour les migrants en Méditerranée.
Poupées russes s’écoute à perdre à haleine, se chante religieusement ou se danse à tue-tête. Les trois copines d’enfance peuvent être fier du chemin accompli depuis le conservatoire de Saint-Denis. Avec ce premier album elles aspirent à rentrer dans la cour des grands. Et le premier qui les traite de « poupées gonflantes » à la récré, il n’est pas encore né.
Yann Lalande
Poupées russes, sorti le 8 juin. Produit par Suther Kane. Mercury music group. L.E.J sera en tournée à l’automne avec un concert le 26 octobre Salle Pleyel à Paris.
(1) Œuvre musical qui mélange plusieurs genres musicaux a priori éloignés
(2) désigne les personnes nées entre 1980 et 2000 en occident. Les L.E.J ont 24 ans.
Réactions
Réagissez à l'article