En ville
Antenne scolaire mobile/
Les petits Roms en route pour l'école
C'est déjà la troisième fois qu'ils frappent à la porte. « C'est maintenant l'école ? », demande une petite voix penaude. Les cours ne doivent reprendre que dans une demi-heure, mais les enfants trépignent d'impatience. « Oui, d'accord, c'est maintenant », cède Clélia Chopinaud avec un sourire complice, l'une des trois enseignantes de ce groupe scolaire pas comme les autres, qu’on appelle antenne scolaire mobile. Une école itinérante qui deux jours par semaine débarque à Saint-Denis avec ses trois camions colorés au nom de l'association ASET 93, pour venir à la rencontre des enfants du bidonville de l’avenue Stalingrad. Il faut voir les mines réjouies de ces mômes qui accueillent cette école comme la plus belle des surprises ou les voir prendre un petit air sérieux pour réussir une entrée en classe parfaite, « en silence et en rang ». Loin des discours discriminants sur les Roms qui n'épargnent pas les enfants, on découvre dans le huis clos du camion-école des élèves modèles et appliqués et qui, en atteste Clélia, « ont comme n’importe quel autre des trésors en eux et l’envie d’apprendre ».
« C'est quand la vraie école ? »
Dans les camions, les enfants sont répartis par tranche d'âge. Ceux de son groupe ont entre 8 et 10 ans. Comme la plupart n'ont jamais été scolarisés, la remise à niveau passe par les fondamentaux. Tenir correctement son crayon, se servir d’une paire de ciseaux, lever le doigt... Autant de gestes anodins qui n’ont rien d’une évidence et qu’ils ont pu acquérir ici. « Cet après-midi, on va travailler les jours de la semaine », leur explique Clélia en prenant soin de formuler chaque consigne en français et en romani. Cette enseignante de 30 ans, sous contrat avec l'Éducation nationale, déborde d'enthousiasme et de bienveillance. Pendant que les enfants s'affairent, Clélia sort des cahiers, destinés à recueillir les travaux de chaque élève et à immortaliser leurs progrès. « Et dire qu’on commence à peine les cahiers et qu’il ne nous reste peut-être que deux semaines », se désole-t-elle. Des militants associatifs ont eu vent par la Ville qu'une expulsion du terrain pourrait intervenir fin septembre. « Les familles n'ont pas l'air au courant. » Et encore moins les enfants qui ont demandé à Clélia « c'est quand la vraie école ? ».Car les camions sont loin d’être une fin en soi. « On ne remplace pas l’école. On est juste une passerelle. »
Trois ans que cette professeur sillonne les bidonvilles du département pour ouvrir le champ des possibles, à préparer ces enfants à devenir des élèves à part entière et à constituer leurs dossiers de suivi dans l’espoir qu’ils trouvent preneur dans les écoles du secteur. « Notre mission, c’est juste l’accès au droit commun ! Mais il ne faut pas se raconter d’histoires, pour ces enfants, l’école est un combat. » Au-delà des difficultés inhérentes à la précarité de la vie en bidonville, il y a ces maires qui comme à Saint-Ouen refusent au mépris de la loi de scolariser les enfants roms, obligeant l’ASET 93 à saisir le défenseur des droits. « Et puis, au cœur de nos préoccupations, il y a les expulsions de terrain, de plus en plus systématiques, qui nous empêchent de concrétiser notre mission. » Obstacle s’il en est à la scolarisation, les expulsions se résument pour Clélia Chopinaud à « un énorme gâchis ». « À chaque fois, il faut reprendre toutes les démarches à zéro. Les familles se découragent. Et, au final, ce sont des générations d’enfants sacrifiés et de potentiels gâchés. » Alors qu’importent les menaces qui pèsent sur le terrain de Saint-Denis, où les camions-écoles s’activent depuis juin, l’équipe a décidé de conduire sa mission jusqu’au bout et d’engager au plus vite les démarches d’inscription.
Réactions
Michel (Pseudonyme non vérifié)
20 septembre 2016
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
20 septembre 2016
dionysos (Pseudonyme non vérifié)
20 septembre 2016
Goldo (Pseudonyme non vérifié)
21 septembre 2016
st denis (Pseudonyme non vérifié)
21 septembre 2016