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Insalubrité/
Les misérables du 15 place Victor-Hugo
Une entrée sur le parvis de la basilique, en vis-à-vis de l'hôtel de ville et à deux pas du métro : comme emplacement qui dit mieux ? Derrière cet atout géographique d'exception, le 15 place Victor-Hugo recèle pourtant ce qu'il y a de pire en termes d'habitat indigne. Ironie de l'adresse, cet envers du décor pourrait poser le cadre d'une version contemporaine des Misérables, avec ses cages d'escalier sordides, ses murs lézardés, ses risques d'effondrement, ses boiseries pourries et sa cohorte de rats. Un paradoxe qui fait de cette copropriété privée dégradée un symbole de la lutte menée à Saint-Denis contre l'insalubrité.
Après des années de procédures qui ont abouti à la prise de seize arrêtés et contraint la Ville à engager 400 000 euros de travaux pour pallier la défaillance de certains propriétaires et assurer la sécurité des occupants, les jours de cet immeuble de vingt-trois logements et quatre commerces sont comptés. La sentence est tombée le 2 novembre avec la publication par la préfecture d'un « arrêté de péril d'insalubrité globale irrémédiable », attendu de longue date par la municipalité.
Les treize pages qui composent ce diagnostic fatal ont été affichées dans l’entrée. Mais peu nombreux sont les habitants capables d'en saisir la teneur. « Pardon, pas parler français » revient presque à chaque tentative d'échange avec ceux qui sont logés ici. Car malgré les risques, l'immeuble est plein. Comptant seulement cinq ménages de propriétaires occupants, tous les autres, en écrasante majorité, ne devraient pas vivre ici, la perception de loyers y étant théoriquement proscrite.
Si parmi les bailleurs, « certains sont de bonne foi », précise la Ville, il y a aussi des abus. « Bien sûr on paye », répond en anglais un Pakistanais qui avec quatre compagnons d'infortune dit s'acquitter chaque mois de 800 euros pour un gourbi de deux pièces. Le tarif s'allège à 500 euros pour l'appartement voisin où s'entassent trois lits superposés. Ces étrangers semblent pour la plupart victimes de marchands de sommeil. C’est le cas de Mimoun qui lui ne paye plus rien depuis que son propriétaire, récidiviste, a écopé en 2014 d'un an de prison ferme - il a fait appel du jugement - pour lui avoir loué un logement insalubre.
Dix-sept occupants évacués en urgence après l'effondrement d'un morceau de plafond
« Quand on est sans-papiers, on ne peut qu'habiter et travailler au noir. On est des fantômes », fait valoir un Égyptien. Ses compétences en bâtiment lui ont permis de retaper l’appartement pour en faire un chez lui presque banal, s'il n'y avait ces étais à la fenêtre pour rappeler une structure à l'agonie.
Désespéré, il exhibe des photocopies de chèques de 1 050 euros, ses mensualités versées depuis quatre ans. « J’ai payé et je vais finir à la rue, comme les autres ? », s’étrangle-t-il. Les autres, ce sont des voisins de l’autre cage d'escalier, évacués en urgence le 2 janvier, après la chute d'un bloc de plâtre sur les marches au passage d’un habitant.
« Le Monsieur va bien, mais il est choqué, il aurait pu mourir, s’emporte la première adjointe Jaklin Pavilla. Prévenus, les services de la Ville se sont aussitôt rendus sur place et ont constaté que d'autres éléments du plafond menaçaient de se détacher. Compte tenu du danger, le maire a pris la décision d’évacuer en urgence. » Dix-sept personnes ont été prises en charge pour trois nuits à l’hôtel, dont deux enfants. Cette famille fait partie des huit personnes toujours hébergées par la Ville. Ceux qui occupaient les lieux sans droit ni titre, parce que squatteurs ou hébergés par un tiers, ont été renvoyés vers le 115, après un examen de leur situation au cas par cas.
Si une partie des logements est désormais vide, les autres le seront dès que la préfecture mettra en œuvre l’expulsion. C'est semble-t-il une question de semaines. S'engagera ensuite une procédure d'expropriation, en vue d'une réhabilitation ou d'une démolition.
Réactions
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
10 janvier 2017
Caroline (Pseudonyme non vérifié)
10 janvier 2017
belle ville (Pseudonyme non vérifié)
10 janvier 2017
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
11 janvier 2017
belle ville (Pseudonyme non vérifié)
12 janvier 2017
Hitch (Pseudonyme non vérifié)
13 janvier 2017
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
13 janvier 2017
belle ville (Pseudonyme non vérifié)
14 janvier 2017
Hitch (Pseudonyme non vérifié)
16 janvier 2017
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
16 janvier 2017
vite de la Lumière ! (Pseudonyme non vérifié)
20 janvier 2017