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/ Les Défricheurs : pas un film sur « la banlieue »

Dans ce film documentaire sensible, sans fioritures ni clichés, le sociologue Fabien Truong et le réalisateur Mathieu Vadepied ont suivi les trajectoires de trois anciens élèves du lycée Paul-Éluard, de la préparation du bac au moment de leur accès aux études supérieures.
Faïda, Amine et Brandon, les trois protagonistes du documentaire Les Defricheurs.
Faïda, Amine et Brandon, les trois protagonistes du documentaire Les Defricheurs.

Qu’est-ce que la réussite ? L’interrogation se profile tout le long du film documentaire Les Défricheurs, A la conquête du bac et d’une vie après, du sociologue Fabien Truong et du réalisateur Mathieu Vadepied, présenté en avant-première mercredi 19 juin au cinéma Les 7 Batignolles à Paris, en présence de l'équipe du film. Ce documentaire de 52 minutes dresse le portrait de trois anciens élèves du lycée Paul-Éluard : Faïda, Amine et Brandon. En juin 2016, période où commence le film, ces lycéens en terminale préparent l’examen du bac avec appréhension. Chaque semaine, ils écoutent d’anciens élèves de leur établissement raconter leur propre expérience de vie post-bac. Ces échanges leur donnent un avant-goût de ce qui les attend, une fois le sésame en poche. Une scène du film s’attarde notamment sur Grace, étudiante en classe préparatoire. Cette ancienne de Paul-Éluard témoigne avec entrain du travail à fournir si on veut faire « une prépa », formation « élitiste » et « pas facile » qui prépare aux grandes écoles. 
 

 

Parole de jeunes

La caméra va suivre de près Brandon, Faïda et Amine pendant deux ans et demi. Elle s’introduit chez leurs familles – un choix cinématographique qui n’a pas toujours été accepté par les trois protagonistes –  trouve une place au sein de leurs cercles d’amis, laisse émerger la parole de jeunes qui savent de quoi ils parlent. Ils vont se confier sur leurs choix d’orientations, leurs envies et leurs échecs. Alors que Brandon a été admis en prépa économique dans un « internat de la réussite », situé dans 16e arrondissement de Paris et qu’il doit s’habituer à « faire les courses seul » ainsi qu’à son nouveau cadre de vie, Faïda, qui rêve de devenir avocate, choisit d’étudier le droit. Le spectateur la retrouve en première puis deuxième année à l’université René-Descartes, peu à peu hésitante sur son choix d’orientation. Quant à Amine, il a choisi de faire une STAPS afin de devenir professeur de sports. En parallèle, celui qui habite à L’Île-Saint-Denis travaille dans un accueil de loisirs. Poursuivre la STAPS va s’avérer difficile pour lui, en raison entre autres d’un manque de motivation et de problèmes extérieurs. Notamment, la mort de son ami par balles qui est racontée dans le documentaire par la maman du protagoniste. Ce sujet évoqué sans insistance permet au spectateur d'entrevoir tout de même la toile de fond d'un certain quotidien vécu par ces jeunes. Fait-il partie d'un des fils conducteurs permettant aux réalisateurs du film de « rester à la hauteur de ces trois jeunes » ? 

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« Un film sur la transmission »

« Pour nous, c’était très important de dire qu’on ne réussit jamais tout seul », a expliqué le réalisateur Mathieu Vadepied lors d'une discussion avec le public lors de l’avant-première du film mercredi 19 juin. « Avec Les Défricheurs, on a essayé de faire un film sur la transmission », a continué le professeur de sociologie à l’université Paris 8 Fabien Truong. Également présent à l’avant-première, Jean-Pierre Aurières, professeur d’histoire-géographie à Paul-Éluard, s’est dit « ému » de voir ses anciens élèves à l’écran. « C’est grâce à lui si on est là aujourd’hui », ont remercié les trois héros du documentaire. Ce professeur impliqué est « à l’origine de plein de vocations et d’envies » a réagi Djamel Bensalah, propriétaire du cinéma Les 7 Batignolles mais aussi ancien élève du professeur. Loin d’être un film sur la banlieue, Les Défricheurs pose des questions simples mais pertinentes : qu’est-ce que signifie poursuivre des études lorsqu’on vient d’un milieu social modeste ou qu’on habite dans une ville populaire au quotidien pas toujours facile ? Comment ne pas se sentir déterminé socialement et prendre sa place dans la société ? 

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Yslande Bossé

Les Défricheurs sera diffusé sur France 3, L’Heure D, le 1er juillet 2019. Et en replay sur France TV (1er au 31 juillet 2019)