En ville
Le sein des saints des puéricultrices
Une tétée collective sur la place publique, une séance de cinéma pour mamans allaitantes… Les idées ne manquaient pas pour marquer à Saint-Denis cette « Semaine mondiale de l’allaitement maternel » organisée du 12 au 19 octobre par la Cofam (Coordination française pour l’allaitement maternel). Finalement, ce sera pour la prochaine édition, en 2009. Pour Catherine Feupier, Marie Bailly et Anne-Marie Freard, l’allaitement maternel est d'ailleurs une cause à laquelle elles se consacrent au quotidien, passionnément. Puéricultrices à la circonscription municipale de PMI (Protection maternelle et infantile), où elles assurent une permanence de soutien à l’allaitement (1), elles avaient déjà mené campagne en 2005 avec une pétition qui avait recueilli un millier de signatures. « On s’est pourtant fait traiter de fanatiques, on nous accusait de vouloir faire rentrer les femmes à la maison ! » Elles y demandaient un allongement du congé après la naissance de dix semaines à six mois, durée préconisée par l’ANAES (2) pour un allaitement maternel exclusif, permettant un développement optimal du nourrisson, à la fois physique et affectif.
« C’est un problème de santé publique. Nous avons en France l’un des plus faibles taux d’allaitement en Europe. À la différence de ce qui se passe dans les pays nordiques par exemple, les jeunes parents et leur bébé ne bénéficient d’aucun soutien. Les mères doivent vite reprendre le boulot. Quant aux modes d’accueil, ils sont souvent bricolés, faute de places en crèche, et parce que les assistantes maternelles sont trop chères. Alors c’est deux jours ici, deux jours là. Le bébé qui n’a nulle part où se poser souffre de troubles du sommeil, de troubles alimentaires. C’est le stress du petit. Nous, on leur dit : prenez votre temps avec votre bébé au moins la première année, c’est essentiel ! » Nos puéricultrices attirent l’attention sur cette période critique, « au bout de deux mois », où la maman est fréquemment sujette à une dépression post-partum, « qui n’est pas assez dépistée ».
Sein ou biberon, elles se refusent à porter tout jugement sur le choix des mamans, mais observent qu’à de rares exceptions près (dont l’hôpital Delafontaine), les maternités ne les aident guère dans leur désir d’allaiter. « Le personnel n’a pas le temps de rester avec la maman pour l’aider à la première mise au sein, relèvent elles aussi Patricia Lorino et Martine Pagny, auxiliaires de puériculture dans l’un des six centres de PMI, à Barbusse. Et puis la femme doit sortir au bout de trois jours alors que le bébé n’a pas repris son poids. Alors, pour avoir la conscience tranquille, le personnel de la maternité lui conseille de donner aussi le biberon. Ce qui peut mettre en péril l’allaitement. Et rassure aussi la maman qui se dit : “comme ça, je vois mieux ce qu’il prend”. »
Ensuite, « c’est pour chaque maman une histoire différente », reprennent les trois puéricultrices, très sensibles au traumatisme des femmes qui ont échoué à allaiter. « C’était le bébé qui pleurait, soit disant parce que la maman n’avait pas assez de lait, ou qu’il n’était pas assez riche. Alors on donnait le biberon. » Catherine Feupier, Marie Bailly et Anne-Marie Freard égrainent les mauvais conseils, assénés à la mère, qu’ils contribuent à déstabiliser dans son lien au bébé, cet inconnu dont « il faut comprendre le langage ». « Parfois, ce sont les pères qui ont besoin d’être rassurés », soulignent-elles en notant avec satisfaction « depuis le congé de paternité, les nombreux papas qui viennent avec leur bébé en PMI ».
Marylène Lenfant
(1)Permanence de soutien à l’allaitement maternel, centre de PMI Henri-Barbusse,
Tél. : 01 49 71 11 06.
(2) Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé.
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