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Grande-Synthe à Saint-Denis/
Le devoir d'accueil aux migrants
Improvisé dans un champ en zone inondable, le camp était un tel cloaque que les humanitaires le disaient pire que la jungle de Calais, située à une quarantaine de kilomètres. En quelques mois, près de 3000 migrants avaient afflué là près du stade municipal de Grande-Synthe. Depuis cet hiver 2015, l’État a démantelé le camp plusieurs fois, et procédé à des mises à l’abri. « Il y a encore 500 personnes dans la ville », observe Damien Carême, maire Europe Écologie les Verts (EELV) de cette commune de la périphérie de Dunkerque. Pour lui, s’il est « de la responsabilité de la ville qu’il y ait une bonne cohabitation avec la population », encore faut-il que l’État mette les moyens aux missions d’accueil et d’accompagnement qui lui incombent.
C’est à partir de cette exigence qu’il a lancé en mars 2018 à Grande-Synthe une Convention nationale sur l’accueil et les migrations avec l’ambition de constituer un réseau d’élus et de collectivités. En septembre était ainsi constituée à Lyon l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita), qu’il préside et dont Saint-Denis est l’une des huit villes fondatrices. Le jeudi 21 mars à l’hôtel de ville, elles étaient une dizaine représentées aux côtés de Damien Carême et de Jaklin Pavilla, première adjointe au maire, en charge des solidarités. Parmi elles, Grenoble, « ville délinquante solidaire », s’est distinguée en mai 2018 pour avoir décerné la médaille de la Ville à Cédric Herrou, l’agriculteur de la vallée de la Roya alors poursuivi pour aide à l’entrée et au séjour des étrangers en situation irrégulière. Un cas de figure emblématique de leur revendication.
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Accueil inconditionnel des migrants
Les élus de l’Anvita défendent l’accueil inconditionnel des migrants, quels qu’en soient les motifs, politiques, économiques ou climatiques. « Nous avons proposé qu’1 % du budget de la métropole y soit dédié », signale Catherine Bassani, élue EELV de Nantes, en rappelant les 700 migrants qui avaient campé l’été dernier dans un square du centre-ville, avant leur mise à l’abri provisoire dans cinq gymnases. « Ce n’est pas un problème de budget, mais de courage politique », assure-t-elle. À Malakoff aussi, un gymnase a été mis à disposition des migrants ces derniers hivers. Malgré un centre d’hébergement pour SDF et un autre pour les migrants, « on arrive à nos limites, relève la maire communiste Jacqueline Belhomme. On a beau être une ville d’accueil, on sent bien les crispations. »
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Sensibilisation citoyenne
Pour Denise Reverdito, élue à la Seyne-sur-Mer, ville socialiste de l’agglomération de Toulon, c’est là le cœur du problème. L’ouverture d’un centre de 40 places pour des mineurs non accompagnés « a provoqué un fort rejet de la population, avec des réactions très agressives. Pour 40 jeunes, c’est hallucinant ! » Le combat de l’Anvita est aussi celui-là. La « sensibilisation citoyenne » fait l’objet d’une des cinq commissions qui doivent être constituées avec des acteurs de la société civile, pour une mise en commun des compétences et des « bonnes pratiques » sur l’accès aux droits, les mineurs non accompagnés, etc.
Pour Saint-Denis, les élues Jaklin Pavilla et Suzanna de La Fuente reviendront notamment sur les mises à l’abri des derniers mois. Mais d’après le collectif Solidarité Migrants Wilson, seul acteur de terrain invité à la rencontre, « il y a un vrai fossé » entre les considérations nationales, voire internationales soulevées par les élus et chercheurs réunis ce jeudi-là, et la réalité à laquelle ils se collettent jusqu’à l’épuisement physique et financier. Ils ont fait le compte : entre le noyau d’une trentaine de personnes, et tous ceux nombreux qui viennent leur prêter main-forte, ce sont « 60 heures de bénévolat » que depuis l’automne 2016 ils consacrent chaque jour, sept jours sur sept, aux migrants de l’avenue du Président-Wilson.
Refoulés de toutes parts, « acculés dans des trous à rats », ils seraient à présent une quarantaine d’hommes, jusqu’à 400 à la Porte de La Chapelle, pour qui «manger, boire, aller aux toilettes et dormir reste compliqué. Il y a des gens malades, d’autres qui deviennent fous, raconte Clarisse. C’est très préoccupant. » D’autant que le 31 mars prendra fin la trêve hivernale, et avec elle les hébergements.
Marylène Lenfant
1. Également représentées les villes de Strasbourg, Ivry-sur-Seine, La Courneuve, Arcueil, ainsi que l’Institut Convergences Migrations.
Réactions
domsd (Pseudonyme non vérifié)
28 mars 2019
lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
28 mars 2019
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