En ville
Le capitalisme pas à la fête
Capitalisme contre communisme… La fin du match paraissait sifflée depuis longtemps sans avoir besoin de prolongation pour départager les deux équipes. Et puis, ces bourses qui dévissent, ces milliards que les gouvernements brandissent pour sauver du marasme les banques privées de l’Atlantique à l’Asie… (re)donnent à réfléchir et rendent plus audibles les militants qui, contre vents et marées, ont toujours pensé que le salut des peuples n’était pas à chercher dans l’économie de marché. Ceux de Lutte ouvrière sont, évidemment, de ceux-là.
Samedi dernier, salle de la Légion d’honneur, pour la première fête publique de Lutte ouvrière Saint-Denis, le parti d’Arlette pouvait s’en donner à cœur joie dans la dénonciation du capitalisme?: « la meilleure façon de moraliser ce système est d’y mettre fin ». La formule résume parfaitement le sentiment commun des 250 à 300 personnes présentes à ce rendez-vous conclu par un repas. Pour autant, s’ils profitent d’une actualité porteuse pour les idées révolutionnaires, les militants de LO ne se frottent pas totalement les mains?: « la régularisation du capitalisme qu’on nous annonce sera catastrophique pour la population », expliquent en stéréo deux profs qui pronostiquent des heures sombres pour l’emploi et qui ont en tête la crise des subprimes aux États-Unis « avec ses millions d’Américains privés de maisons ».
« Prolétaires de tous les pays, unissons-nous », la phrase célèbre du Manifeste du parti communiste de Karl Marx (1848), sert de fond de scène. Autour, c’est une vision plus moderne qu’offrent d’eux-mêmes les militants de LO. L’espace est aménagé au goût du jour?: un coin pour les petits avec vidéo et pâte à modeler, deux expos (Mai 1968 pour l’une, l’immigration, pour l’autre), une table de littérature à l’accent évidemment révolutionnaire, un bar qui mériterait l’appellation Le Populaire (1 euro maxi la conso), de la nourriture faite maison, un espace dédié au ciné, un jeu, des artistes qui se produisent, des peintures…
L’un des deux peintres amateurs exposé sur les murs, c’est Gilbert. Très attaché à LO, il est conscient de l’image de Lutte ouvrière?: « C’est vrai que nous passons pour être une organisation très sérieuse, rigide. Là, les gens nous découvrent. Être marxiste, défendre les idées communistes n’empêche pas d’être un être humain comme les autres avec des qualités, des défauts, des passions. » Outre les tubes de peinture à l’huile et la défense du communisme, Gilbert s’occupe aussi – autre passion – du quotidien de son quartier. Il est fier des résultats de l’aide aux devoirs mis en place (« des mômes qui étaient derniers sont en tête de classe ») ou d’avoir obtenu le relogement de familles victimes de l’insalubrité. Dans la salle, des militants du PCF venus faire un tour découvrent avec sympathie ce qui fut longtemps l’ennemi trotskyste (par contre, aucun militant de la LCR n’est présent). Le maire, accompagné d’une demi-douzaine d’élus, est également dans l’assistance. LO fait désormais partie de la majorité municipale. Et, à l’image d’Agnès Renaud, l’une des deux conseillers, la fonction élective « ne se conçoit pas dans la gestion de la crise, mais dans la lutte ». Comme en écho, juste avant l’apéro, Philippe Julien, « patron » local de LO se fait tribun?: « la crise, les ouvriers l’ont déjà payée?: pas question qu’on nous repasse une nouvelle fois la facture. » Il est applaudi. Plus encore que quand il interprétait à la guitare des standards de Django Reinhardt…
D.Sz
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