Ce jeudi 17 décembre soir, la décision est tombée comme un couperet. En plein conseil municipal, après trois heures de séance, Mathieu Hanotin prend tout le monde par surprise. « Nous ne nous reconduirons pas la subvention du Journal de Saint-Denis », annonce le maire Mathieu Hanotin (PS) sur un sujet non inscrit à l’ordre du jour, juste avant le débat d’orientation budgétaire. Un coup de tonnerre qui menace directement la survie de l’association Communiquer à Saint-Denis qui édite le JSD. Beaucoup d’élus ne sont pas au courant de la nouvelle, y compris au sein de la majorité. « C’est une page qui se tourne », dit l’édile.

En novembre dernier, au précédent conseil municipal, le maire s’était engagé à revenir sur la situation suite à l’annonce de la démission du directeur de la rédaction Yann Lalande, qui quitte définitivement ses fonctions ce vendredi 18 décembre. « La crise interne au Journal de Saint-Denis qui a abouti à la démission du directeur est aujourd’hui un facteur déclencheur », justifie M. Hanotin.

Le président de l’association, Grégoire Badufle-Douchez, ne lui a pas présenté « un projet pérenne » après ce départ. « Il y avait une piste sérieuse pour avoir un nouveau directeur mais celui-ci a renoncé. Le président de l’association m’en a informé ce jour par courrier », continue-t-il.

« Plébiscité par les Dionysiens »

Mais le maire ne précise pas que l’association lui a demandé un délai jusqu’à fin février.  « Pour sortir des difficultés dans lesquelles se trouve notre association, nous sollicitons de votre part et de votre conseil, de suspendre toute décision qui pourrait hypothéquer l’avenir du journal dans les semaines qui viennent, écrivent les membres du conseil d’administration du Journal de Saint-Denis dans un courrier envoyé le 17 décembre matin. Nous avons en effet besoin d’un délai supplémentaire pour reprendre la procédure de recrutement dans des conditions plus sereines. Nous nous engageons à revenir vers vous à la fin du mois de février, plus tôt si nos recherches s’avèrent fructueuses, pour vous présenter une équipe de direction du JSD renouvelée », demandent-ils.

Selon M. Hanotin, il y a un « problème structurel » posé par le modèle du Journal de Saint-Denis. Il est d’une « extrême complexité d’imaginer un journal indépendant quand il ne bénéficie que de subventions publiques ». Il souligne aussi des risques juridiques qui ont été pointés par la Chambre régionale des comptes. « Tous ces éléments structurels », poursuit-il, le « conduise » à ne pas donner de subventions au JSD. Une décision « pas agréable à prendre » mais « rendu nécessaire », se justifie-t-il.

L’année dernière, l’association éditrice avait reçu 770 000 euros d’argent public, alors qu’environ 280 000 euros provenaient de la publicité. Pour l’année 2021, avant la crise interne, la Ville avait initialement prévu une baisse déjà conséquente de 132 200 euros. Ce qui aurait obligé l’hebdomadaire à changer de formule début 2021 en abandonnant la distribution toutes boîtes et/ou de devenir un quinzomadaire. Le maire promet « d’accompagner » l’association et ses salariés dans « cette situation nouvelle ».

A la place du JSD, il promet de nouveaux projets « dès la rentrée prochaine », tout en annonçant l’arrivée d’une nouvelle directrice de la communication de la Ville en janvier. 

« Mise à mort »

Cette disparation annoncée du JSD se fait dans une ambiance de mort dans la salle du conseil. L’ex-maire Laurent Russier (PCF), aujourd’hui élu d’opposition, est sous le choc. « Honnêtement, j’ai mal ce soir, dit-il ému. Entre l’abandon du conservatoire et le non-versement de la subvention au JSD (crée sous le mandat communiste), c’est vraiment le conseil municipal des mauvaises nouvelles », continue-t-il. L’élu est « en colère », adressant ses pensées aux 10 salariés du JSD. Ils « l’apprennent de la même manière que moi (…) quasiment en direct », s’indigne-t-il. « Je trouve que la crise du journal dont vous avez parlé a bon dos », attaque-t-il également.

Par ailleurs, sur le volet juridique, l’ancien maire rappelle que les relations entre la Ville et le Journal de Saint-Denis avaient progressivement été normalisées dans le temps. D’ailleurs, preuve de cet assainissement, la Chambre régionale des comptes ne faisait plus qu’une « recommandation » concernant le JSD. « Le journal de Saint-Denis était plébiscité par les Dionysiennes et les Dionysiens comme le vecteur d’information locale le plus large », a-t-il loué.  Pour lui cette annonce est un « grave » danger d’un « point de vue démocratique ». Jamais un « autre journal » dans les collectivités locales n’a donné autant « la parole à l’opposition ». Le JSD « ne se résumait pas à une petite colonne de tribune pour l’opposition, une fois tous les deux mois » comme cela existe dans les magazines territoriaux habituels. Le journal permettait aussi de mettre en valeur « la richesse » de Saint-Denis.

En plus de l’arrêt de la subvention au JSD, M. Hanotin a annoncé le recrutement d’une directrice de la communication à la Ville, ce que dénonce l’ancien maire. Tout un symbole selon lui. « On a bien compris que la communication allait se retrouver entre vos seules mains monsieur le maire », a conclu M. Russier. Pour lui, cette annonce est la « mise à mort » d’une spécificité nationale.

Aziz Oguz