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La vétusté à l’origine de drames
« Un drame épouvantable », « terrible », « inacceptable ». Vingt-quatre heures après l’incendie meurtrier, dont les causes n'ont pas encore été établies, qui a ravagé l’immeuble de 17 logements du 6, rue Paul Eluard, fauchant cinq vies, dont celle d’une mère et de ses trois enfants, et faisant onze blessés, dont deux gravement, une centaine de personnes se sont réunis devant les lieux du drame.
Dans un élan citoyen, elles sont venues s’incliner devant les victimes et s’associer à la douleur des proches et des habitants du quartier. « C’est un rassemblement qui s’est fait un peu à l’arrache, mais il fallait le faire, c’est bien le moins », lâche Jean-Jacques Chatelux, du DAL, à l’initiative de cet appel à hommage avec le Réseau Solidarité Logement et le Collectif Copros Libres, qui, comme la plupart des personnes présentes, a du mal à retenir ses larmes et sa colère. « Ce n’est pas la première fois qu’un tel drame se passe dans notre ville, mais cette fois-ci il faut que ce soit vraiment la dernière... Plus jamais ça ! » Un mot d’ordre aussitôt douché par le passage de plusieurs camions de pompiers qui ont dévalé à cet instant la rue toutes sirènes hurlantes, commenté d’un désespéré « c’est pas vrai, ça recommence ».
#SaintDenis Nouvel incendie dans le centre-ville. Au 19 Péri. Premier bilan, une femme légèrement blessée. pic.twitter.com/TSjVpBpBz4
— leJSD.com (@leJSD) 7 juin 2016
Détestable loi des séries, un nouvel incendie, probablement dû à un court-circuit électrique venait tout juste de se déclarer au 19, rue Gabriel Péri, près de la Porte de Paris, au premier étage d’un immeuble qui en compte quatre, faisant trois blessés légers et rendant impossible pour ses occupants la réintégration de cette copropriété de 18 logements, qui faisait l’objet depuis 2000 de plusieurs procédures d’insalubrité.
Las, peu avant minuit, c'est un troisième feu d’appartement, cette fois-ci un feu de cuisine, qui frappait à nouveau Saint-Denis, au 4, rue Denfert-Rochereau, blessant là aussi légèrement trois autres personnes.
Encore un incendie à #SaintDenis rue denfert rochereau pic.twitter.com/XPL05wkqvC
— TinaKryss (@Tinakryss) 7 juin 2016
Les bilans ont beau être moins graves, cette tragique coïncidence n’a fait qu’accabler un peu plus la ville, traumatiser encore davantage ses habitants et renforcer les convictions de tous ceux qui croient moins en la fatalité qu'au caractère accidentogène de certains bâtis. Des malheurs peuvent être évités lorsqu'ils ont la particularité de prendre racine sur le terrain de l’insalubrité, des marchands de sommeil, de l’habitat vétuste et des logements dégradés. Un fléau combattu par la Ville (1), mais qui dans cette lutte se heurte au quotidien à « un mur d’inefficacité », comme le dénonce le maire adjoint Stéphane Peu. « Ce département est exsangue et maltraité en termes de moyens de justice et de police. On ne peut pas lutter efficacement contre l’insalubrité avec une législation souvent inadaptée et des procédures au Parquet qui sont trois fois plus longues qu’ailleurs. A un moment donné, tout cela ne peut que générer des drames ». Une lourdeur et une lenteur des procédures juridiques et administratives décrites encore par le maire Didier Paillard comme totalement incompatibles avec « la course de vitesse qui se joue dans un certain nombre d’immeubles, qui même s’ils ne sont pas classés insalubres sont en passe de l’être, avec tous les dysfonctionnements que l’on connaît, que l’on dénonce et que ni la police, ni la justice ne traite. »
Et ce sont avant tout sur ces manquements et ces dysfonctionnements de l'Etat que le maire et les élus de Saint-Denis ont cherché à interpeller la ministre du Logement Emmanuelle Cosse, venue très discrètement à l’aube du mercredi 8 juin déposer une gerbe et partager un temps de recueillement avec des représentants de la Ville, de la préfecture et du département lors d’une cérémonie officielle tenue à huis clos.
Hommage aux victimes de l'incendie de la rue Paul Eluard à Saint-Denis pic.twitter.com/Y1GS3wZC36
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) 8 juin 2016
Avec le président du Conseil départemental, Stéphane Troussel, ils ont fait part en la matière des difficultés propres à la Seine-Saint-Denis. Ainsi, face au manque de moyens humains dont souffre le parquet de Bobigny, il pourrait être envisagé de délocaliser l’instruction de certains dossiers auprès du Parquet de Paris. Ils ont aussi sollicité la priorisation des familles dionysiennes sinistrées sur les dispositifs d’hébergement d’urgence de l’Etat et demandé la mobilisation du contingent préfectoral sur le parc locatif social pour permettre leur relogement pérenne dans les meilleurs délais.
Mais la ministre était pressée. Peut-être trouvera-t-elle le temps d'inscrire à son agenda une séance de travail pour approfondir la discussion et les actions à mettre en œuvre. Estimant pour sa part qu' «une grande table ronde contre l'habitat insalubre est nécessaire, incluant tous les acteurs concernés », que « l'urgence est réelle » et que « tout doit être mis en œuvre pour éviter de nouveaux drames », le député socialiste Mathieu Hanotin s'est empressé d'adresser un courrier en ce sens au Président de la République, dans la foulée de cette visite. Il y fait part notamment de son impatience de voir certains décrets d'application de la loi Alur enfin publiés, comme celui concernant le diagnostic de l'installation électrique et de gaz que le propriétaire doit transmettre au locataire, jugé « pourtant essentiel dans la lutte contre les risque d'incendie »,ou encore celui portant sur « le permis de louer », un dispositif expérimenté dans certaines communes « qui avait fait ses preuves dans la prévention de l'habitat indigne. »
Mobilisation citoyenne
Des réponses, du respect, de la considération et de la dignité, c'est ce qu'attendaient les habitants de Saint-Denis, mobilisés dès le lendemain du drame pour exiger une réaction des pouvoirs pubics à la hauteur des traumatismes subis. « Il y a des jeunes vies qui ont été fauchées alors qu’elles n’auraient pas dû l’être. Des enfants qui ont perdu leurs amis. Des familles qui se retrouvent à la rue. Ces traumatismes doivent être traités avec respect et dignité », s'est ainsi emportée Sonia Casagrande, du Réseau solidarité Logement, qui s'inquiète avec d'autres du devenir des familles sinistrées, redoutant, par expérience, une prise en charge psychologique et sociale au rabais. Mais la vigilance citoyenne s'organise sur ces questions, au même titre que la solidarité et l'entraide. En hommage aux victimes et pour qu'il n'y en ait plus d'autres, le collectif de soutien appelle à un rassemblement dimanche 12 juin à 14 heures devant le théâtre Gérard Philipe pour une marche blanche.
Linda Maziz
1- Dans le cadre du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), l'action de la ville en matière de lutte contre l'insalubrité a notamment permis la mobilisation depuis 2011 de 70 millions d’euros, l’amélioration de plus de 2 000 logements, la construction de deux nouveaux immeubles, le relogement de 65 familles et la mise en œuvre d’une centaine d’arrêtés de péril et d’insalubrité.
Réactions
Horta (Pseudonyme non vérifié)
10 juin 2016
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
10 juin 2016
Henri (Pseudonyme non vérifié)
11 juin 2016
Yan AMAR (Pseudonyme non vérifié)
12 juin 2016
Nadia (Pseudonyme non vérifié)
13 juin 2016
Azzedine (Pseudonyme non vérifié)
13 juin 2016
Horta (Pseudonyme non vérifié)
14 juin 2016
Nadia (Pseudonyme non vérifié)
15 juin 2016
Catalpa (Pseudonyme non vérifié)
16 juin 2016