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La peur du vide
Ils sont fleuristes, coiffeurs, libraires, vendeurs de textiles, bijoutiers, restaurateurs ou encore marchands de jeux. Sauf s’ils ont eu la possibilité de mettre en place le retrait en magasin ou la livraison, les commerçants dits « non essentiels » ont de nouveau tiré le rideau depuis le début du deuxième confinement le 30 octobre. « Je suis dégoûté », confie Valentino Beretta, patron de l’Arbre à jouets, boutique située juste en face de l’hôtel de ville. Il ne comprend pas : pourquoi fermer les boutiques comme la sienne et laisser ouvertes les grandes surfaces.
« Il est plus dangereux d’aller à Carrefour que de venir dans mon commerce. Ici, les clients auraient pu entrer un par un, en faisant la queue à l’extérieur. On ne peut pas être à deux dans ma boutique de 35m2 ? Nous, les petits commerçants, nous sommes les dindons de la farce », s’agace cet indépendant, qui tient ce magasin depuis bientôt dix ans en centre-ville. Pour répondre à la fronde des petits commerçants, comme des libraires (lire page 11), le gouvernement a décidé de fermer depuis mercredi 4 novembre les rayons non-alimentaires des grandes surfaces, à l’image de l’hypermarché Carrefour à Saint-Denis.
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« C’est le summum du ridicule », estime Valentino Beretta, qui pense que l’État aurait pu au contraire ouvrir les petits commerces, avec des conditions sanitaires strictes. « Maintenant, c’est Amazon et consorts qui vont se partager le gâteau », souffle-t-il, même s’il ne pleure pas sur le sort des grandes surfaces, qui sont montées au créneau pour dénoncer les dernières décisions gouvernementales. « Lors du premier confinement, ils n’ont fait preuve d’aucune solidarité avec les petits commerçants », justifie-t-il. Lui refuse de mettre en place un système de « click & collect », par choix et parce qu’il n’a pas les moyens de le faire : « Je n’ai pas ouvert une boutique pour faire un site Internet. »
À présent, avec Noël qui approche, il a peur de rater la meilleure période de l’année, tandis que les factures, elles, s’amoncellent. « Quand on va sortir de la crise, qui va éponger la dette des commerçants ? Certaines entreprises ne vont pas s’en remettre », craint Valentino Beretta, qui explique qu’en tant qu’indépendant, il n’est pas le plus à plaindre. Au marché de Saint-Denis, les commerçants non-alimentaires ne peuvent plus étaler leurs marchandises depuis mardi 3 novembre.
Lors du premier confinement, ils avaient déjà été exclus avant la fermeture totale du marché – le 24 mars – puis ils n’avaient pu revenir qu’à partir du 29 mai, soit 10 jours après les commerces de bouche. « C’est triste un marché sans nos collègues non-alimentaires », regrette Mourad Mekhloufi, président du Syndicat des commerçants du marché, qui en tant que vendeur de fruits et légumes peut continuer son activité. L’incompréhension règne. « Pourquoi mes confrères qui vendent des produits d’hygiène, de téléphonie ou de bricolage ne peuvent pas travailler, alors que c’est autorisé dans les grandes enseignes ? C’est injuste », estime Clément Depeyras, trésorier du Syndicat et marchand de jouets. Mahfoud est lui vendeur de textiles au marché depuis bientôt vingt ans. « Cela nous dépasse tellement. » En cette période difficile, il n’est pas le plus à plaindre au marché, explique-t-il. « Certains en bavent plus. » Il constate que la crise sanitaire a accentué la baisse d’activité, déjà à l’œuvre ces dernières années. « Le marché n’est plus aussi alléchant », confie-t-il.
Réouverture le 1er décembre ?
Clément Depeyras explique que le moral de ses collègues est au plus bas. « Par rapport au premier confinement, on sent qu’il y a plus de colère. Certains ont des crédits, des dettes auprès des fournisseurs. On a des familles à nourrir. C’est difficile. On survit en ce moment », témoigne le commerçant âgé de 30 ans, qui pioche dans ses économies pour passer cette période d’inactivité, alors que les aides de l’État, selon lui, sont insuffisantes. Comme d’autres, il craint aussi de louper la période de Noël, l’une des plus importantes de l’année pour son chiffre d’affaires. « Si on ne rouvre pas en décembre, certains ne vont pas s’en relever », redoute-t-il. Si le gouvernement planche sur de nouvelles règles pour permettre une réouverture des commerces non-essentiels au 1er décembre, rien n’est encore acté. « Le problème, c’est qu’on ne sait pas où l’on va, estime Clément Depeyras. Même si on rouvre, est-ce que le marché va bien tourner ? C’est le flou total. » De son côté, la municipalité a annoncé un accompagnement des commerçants qui n’ont actuellement pas les moyens techniques de mettre en place le principe de « click & collect », ainsi que l’exonération des droits de terrasse pour les bars et les restaurants de la ville.
Aziz Oguz
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Le marché ouvrira les samedisC’est un jour de plus pour le marché de Saint-Denis. À partir du 14novembre, la halle ouvrira ses portes les samedis – de 8 h à 13h30 – durant la période de confinement, après un accord entre la Ville et le Syndicat des commerçants. La décision a été prise afin de désengorger l’activité du marché le dimanche. Cette ouverture partielle concernera uniquement la halle et les commerces alimentaires. Selon la Ville, une vingtaine de marchands – soit un peu plus de la moitié des présents du dimanche – auront un stand ouvert dès ce samedi. |
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lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
12 novembre 2020