Cultures
Jean Bellorini : « L’obsession de faire un théâtre populaire »
Le JSD: Pourquoi avez-vous fait acte de candidature à la direction du centre dramatique national-TGP ?
Jean Bellorini: J’ai toujours travaillé en troupe, avec ma compagnie Air de lune. Cette fidélité dans le travail est liée au lieu où l’on est implanté. Ce sera le cas au TGP. J’ai déjà eu une expérience de résidence ici, notamment à travers des actions avec des scolaires. Et Paroles gelées est un souvenir marquant et fondateur. Ce lieu est chargé, aussi bien du point de vue historique qu’émotionnel.
Le JSD : Quel est votre parcours ?
Jean Bellorini : J’ai découvert le théâtre à l’école, puis au lycée, en participant à des ateliers. Puis j’ai intégré comme chanteur la troupe des Gavroches. Ce fut très formateur. Après le lycée, j’ai suivi l’école Claude Mathieu. Ce fut une rencontre forte. Lorsque j’en suis sorti, en 2002, j’ai tout de suite enseigné dans ce cours. La transmission, la pédagogie, la mise en scène étaient devenues pour moi une évidence. C’est à ce moment nous avons fondé la compagnie Air de lune. Nous avons notamment monté Opérette imaginaire, de Valère Novarina, à la Cité internationale, Tempête sous un crâne, au Théâtre du Soleil, Paroles gelées et, tout récemment à l’Odéon, La Bonne âme du Se Tchouan, de Brecht, que nous présenterons au TGP en janvier 2015. J’ai aussi été en résidence au TGP et à Toulouse où j’ai vu de l’intérieur ce que gérer une maison comme cela signifie, en terme artistique, mais aussi de production et de management.
Le JSD : Que souhaitez-vous développer ?
Jean Bellorini : Nous avons toujours créé nos spectacles grâce aux précédents. En tournant, ils nous permettent d’autogérer nos productions et d’alimenter la suite. C’est, je pense, un fonctionnement sain pour une troupe, que je veux appliquer au théâtre comme modèle économique : le TGP va récupérer le répertoire de la compagnie, qui devient production du CDN. Nous aurons, lors de ce mandat de trois ans, trois artistes associés : Jean-Yves Ruf, Bertrand Bossard et le collectif In Vitro dirigé par Julie Deliquet. Et, bien sûr, nous allons continuer à accueillir des spectacles, dont plusieurs par des artistes étrangers. Je souhaite aussi donner une priorité aux jeunes artistes en développant l’activité de recherche autour de l’acteur.
Le JSD : À quel public voulez-vous vous adresser ?
Jean Bellorini : J’ai l’obsession de faire un théâtre populaire au sens noble du terme. Un théâtre accessible à tous et lisible à plusieurs niveaux, avec un souci d’équilibre entre le contemporain et le classique. Un théâtre qui rassemble des gens différents, qui mélange les publics. Nous allons lancer des actions pour amener les gens au théâtre mais aussi en direction du public qui n’ose pas franchir ces portes mais qui doit avoir accès à la culture. Chaque année, nous monterons une production légère qui tournera dans différents lieux, dans les quartiers, pour amener le théâtre chez eux.
Le JSD : Et le jeune public ?
Jean Bellorini : Nous allons bien sûr poursuivre Et moi alors ? et faire, dans ce cadre, une création par an. Dès cette saison, nous menons une action avec des jeunes de plusieurs villes, dont Saint-Denis, pour monter un spectacle, L’Attrape cœurs, de J.D. Salinger, qui sera présenté en juin.
Le JSD : Comment percevez-vous Saint-Denis ?
Jean Bellorini : Comme un mélange de cultures. On le voit chaque matin, en remontant la rue de la République ! Tous les grands courants artistiques sont nés de rencontres culturelles. Le TGP doit être en lien avec ce contexte. D’ailleurs, avec Bertrand Bossard, nous allons dès cette saison créer une visite « déguidée » de la ville…
Le JSD : Et que pensez-vous de l’outil TGP ?
Jean Bellorini : C’est un rêve d’arriver dans un théâtre sain, grâce à Christophe Rauck, qui possède quatre salles très différentes qui seront toutes utilisées. Il y a tout pour faire de ce théâtre une fourmilière explosive pour élever l’Homme…
Recueilli par Benoît Lagarrigue
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