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À 1 an des municipales/
Ils tournent autour de l'urne
En ce printemps 2019, dans les formations politiques on vous répond immanquablement que la priorité est donnée aux élections européennes (26 mai). Il n’empêche, à un an de l’échéance, un autre scrutin est déjà dans toutes les têtes : les municipales de mars 2020. Les deux rendez-vous électoraux ne sont d’ailleurs pas sans rapport. Certains attendent les résultats du premier pour se jauger en vue du second. En attendant quatre grandes familles se distinguent à un an des prochaines municipales : ceux qui y vont mais attendent pour officialiser, ceux qui iront mais ne savent pas encore avec quelle tête de liste, ceux qui hésitent, ceux qui n’iront pas mais veulent avoir leur mot à dire.
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Ils connaissent (presque) leur tête de liste
C’est la question que tout le monde se pose depuis des mois : La France insoumise (LFI) présentera-t-elle une liste face au maire sortant PCF en mars prochain ? Sauf très improbable retournement de situation, la réponse semble devoir être oui. « LFI est une force politique qui a fortement émergé sur le département, rappelle ainsi Éric Coquerel, député de la 1re circonscription. J’imagine mal qu’on fasse comme si tout cela n’avait pas existé. Nous avons donc vocation à peser sur les municipales. Maintenant, tout dépendra des forces de LFI localement et des personnalités à qui on a affaire. »
Et à Saint-Denis les insoumis se sentent forts. À l’instar de leur chef de file Bally Bagayoko qui cache de moins en moins sa déception vis-à-vis de ses partenaires de la majorité. « Il y a eu beaucoup de précipitations dans l’annonce de la candidature de Laurent Russier. Pour moi, il s’agit d’une erreur politique sur la méthode. Nous n’avons jamais eu de discussion en amont avec le maire candidat au sein de la majorité. Il n’est donc pas dans un esprit de rassemblement. Stéphane Peu (PCF), député élu avec le soutien de la France insoumise, et Patrick Braouezec (PCF), président de Plaine Commune, se sont rangés immédiatement derrière le maire sortant. C’est un autre mauvais signe pour le rassemblement […] Le PCF voit Saint-Denis comme sa propriété. Cette attitude n’est pas à la mesure de ce qu’attend la population. Leur notion du rassemblement c’est l’entre-nous. Ce qui s’est passé le 8 février ne laisse pas indifférent. Il y a de l’inquiétude dans le personnel communal et dans le monde associatif, face à l’injonction faite à prendre position. »
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Le maire adjoint aux sports et à l’emploi insertion, qui refuse de considérer le PCF comme un adversaire politique, ne souhaite tout simplement plus, à 46 ans, continuer à regarder passer les trains. « On ne peut pas imaginer que le courant représenté par les Insoumis ne soit pas aux avant-postes lors des prochaines municipales. LFI a les ingrédients pour prétendre tirer une liste rassemblant l’ensemble des forces autour d’un projet puissant. Personnellement, je suis disponible pour être tête de liste. Je ne peux pas détourner la tête quand les responsabilités m’appellent », dit Bally Bagayoko. Quid dès lors du risque d’émiettement à gauche et de la dernière année de mandat ? « Je ne suis pas le diviseur. Au contraire, j’ai le sentiment d’être toujours le seul inquiet vis-à-vis du risque de division. Nous avons déjà fait la démonstration de notre attachement au rassemblement lors des précédentes élections […] Pour le reste, en tant que sportif je n’ai jamais quitté mon équipe même dans une situation difficile. Démissionner serait une posture politicienne. Avoir des désaccords c’est normal. »
Mais au sein du groupe REVE-insoumis (9 membres au conseil municipal, deuxième force de la majorité municipale) certains se veulent moins catégorique que Bally Bagoyoko et craignent les conséquences de la division.
« L’objectif principal est que cette ville ne tombe pas dans les mains de la droite, fusse la droite de la gauche. Il y a quelque chose de mortifère à gauche à vouloir avoir raison tout seul, regrette Patrick Vassallo. Il y a un vrai risque d’émiettement. Pour ma part, j’attendrai le lendemain des Européennes pour me prononcer. Dans tous les cas, je ferai mon maximum pour favoriser l’union des forces de gauche. C’est une situation qui aurait dû être évitée. Des deux côtés on trouve des pyromanes. Je ne suis pas de ceux-là. »
À l’autre bout de la gauche, Mathieu Hanotin ne fait plus mystère depuis longtemps de ses ambitions pour 2020. Battu d’un cheveu (181 voix) au 2e tour en 2014, l’ancien député socialiste a changé de stratégie, alors que son parti (il est toujours socialiste) est en plein marasme. Début 2018, il lançait un mouvement politique d’intérêt local : Notre Saint-Denis. « Nous nous y sommes pris longtemps à l’avance, pour construire un mouvement sérieux. Pas une semaine ne se passe sans action de Notre Saint-Denis. Nous montons en puissance. Il faut voir cette future liste comme la fusion entre les membres du groupe PS d’opposition au conseil municipal et des citoyens pas satisfaits de l’action de la majorité. »
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Mais du coup, quelle différence avec sa précédente tentative ? « La dernière fois, c’était une liste socialiste avec quelques citoyens. Là on part d’une dynamique inverse. On ne discute pas de mouvement à mouvement. Il ne s’agira pas d’un agrégat de forces politiques ni d’un faux nez du PS. » Au passage, Mathieu Hanotin balaie d’un revers de main la possibilité d’une alliance avec LREM. Pour le conseiller départemental, Notre Saint-Denis est bien à gauche, « mais nous sommes finalement les seuls à assumer de ne pas être d’accord avec le maire. La prochaine élection sera plus compliquée en termes de lecture politique, mais peut-être que ça encouragera les électeurs à s’intéresser au fond des choses.Le pire pour faire basculer la ville à droite serait justement l’absence d’alternative à gauche. Nous sommes sereins et déterminés pour construire cette alternative équilibrée. »
Ils feront une liste mais se cherchent une tête
Les municipales de 2020 devraient signer le retour de l’extrême droite, absente depuis 2001 et la candidature mégrétiste de Jean-François Galvaire (Mouvement national républicain). Guy Delautre, candidat aux cantonales en 2015, serait notamment intéressé. « Nous avons au moins deux personnes, qui seraient prêtes à mener une liste à Saint-Denis, confirme Sébastien Jollivet, délégué départemental du Rassemblement national (ex FN). Notre objectif prioritaire dans le 93 est de renforcer notre implantation dans les conseils municipaux. On va essayer de développer notre ancrage local, car je pense qu’il y a de la place pour nous ici. On a déjà vu le FN faire basculer des terres de gauche après un travail de terrain. Si on veut faire quelque chose on doit s’implanter. Les électeurs ne sont pas condamnés à voter tout le temps pour les mêmes, d’autant plus que la situation continue de se dégrader à Saint-Denis. »
La volonté est là, mais on imagine que constituer une liste avec 55 noms et faire campagne à Saint-Denis quand on défend les couleurs de Marine Le Pen ne doit pas être une sinécure. « Quand on discute, la population se montre plutôt accueillante, assure Sébastien Jollivet. Ce sont nos opposants politiques qui sont virulents et ne tolèrent pas qu’une opposition comme la nôtre s’exprime dans la rue. Mais on ne nous empêchera pas de mener campagne. »
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Un autre parti qui caracole en tête des sondages en vue des Européennes aspire lui aussi à se faire une place au conseil municipal : La République en marche. Jean-Marc Saint-Picq, son animateur local, se veut confiant. « Nous allons tout faire pour présenter une liste aux prochaines municipales. On se doit d’exister dans le paysage politique local. On a notre mot à dire et on doit savoir ce que notre mouvement pèse localement. » De là à viser la gagne ? « Le scrutin s’annonce super ouvert. Nous n’avons jamais dirigé la mairie, ni de près ni de loin. Nous n’avons rien à perdre, et nous n’aurons pas d’états d’âme. Nous allons rester dans notre ligne. Ce sera aux autres de se positionner. » Reste à constituer une liste solide pour ce petit mouvement à l’échelle dionysienne et à se trouver un leader. « Le national aura son mot à dire et il n’est pas impensable que nous ayons une tête de liste avec une certaine notoriété. En revanche, nous refuserons de nous faire voler notre caractère dionysien avec des parachutages massifs. »
La question de la tête de liste est loin d’être également réglée pour une droite qui cherche dans un premier temps à recoller les morceaux. « Nous concernant, je note que l’UDI est sur une voie un peu différente qu’il y a un an et demi, se réjouit Philippe Dallier, patron des Républicains du 93. Je pense qu’il est urgent de se voir. Si on arrive à se rassembler, on a peut-être quelque chose à jouer face à une gauche super arc-en-ciel composée de gens qui finissent par se détester. Je ne doute pas qu’on trouvera un candidat. » Ou une candidate, dans cette élection qui s’annonce une fois de plus très masculine en ce qui concerne les têtes d’affiche. « Je serai très heureuse de pouvoir représenter le parti à Saint-Denis avec toutes les bonnes volontés à mes côtés et pas que des gens de chez LR, assume ainsi Milissa Gonçalves. À Saint-Denis je ne vois pas vraiment d’autres personnes que moi et je ne partirai pas derrière quelqu’un qui n’est pas d’ici. »
Autant dire que le choix s’annonce restreint, alors que la membre du conseil national des Républicains ne cache pas son incompatibilité avec Houari Guermat, candidat officiellement investi en 2014 par l’UDI et l’UMP, mais torpillé sur sa droite par la liste dissidente de Stanislas Francina. « Nous ne gagnerons pas l’élection, mais nous devons retrouver le conseil municipal pour siéger dans l’opposition, lance Milissa Gonçalves. Pour ce faire, je souhaite vraiment pour Saint-Denis qu’il n’y ait qu’une seule liste de la droite et du centre droit. »
Un souhait que partage Houari Guermat (UDI) qui lance cependant au passage : « Chez LR il n’y a plus personne. » « Beaucoup de gens me poussent à y aller, témoigne le commerçant du centre-ville. S’il faut j’irai. Mais personnellement je rêve d’une configuration avec une grande liste d’union face aux communistes et aux insoumis. Un bloc qui irait des socialistes à la droite en passant par LREM. Même derrière Hanotin pourquoi pas. Il faut que la majorité actuelle s’en aille et, pour les faire partir, il faudrait tous être réunis dès le premier tour. »
Une majorité qui compte également le Parti socialiste de gauche. Née à l’occasion des élections de 2014, suite à une scission au sein du PS local, la formation de Georges Sali sera de nouveau sur la ligne de départ en 2020. « Nous présenterons une liste au 1er tour pour être identifiés et prendre part au débat, déclare Stéphane Privé, chef d’un groupe fort de 7 élus au conseil. On ne peut pas continuer comme ça. On doit avoir une nouvelle approche du service public et répondre à la défiance manifestée par les gens en dehors des appareils politiques. Notre ligne sera transparente et éthique. » Pour la tête de liste, il faudra en revanche attendre encore un peu. « La liste sera probablement présentée en septembre. » Dernier mouvement à ne laisser planer aucun doute sur ses intentions : Lutte ouvrière. « Même si nous n’avons pas encore pris de décision ferme, notre souhait est d’être présents pour le scrutin municipal, confesse Philippe Julien. Nous sommes prêts à discuter avec tous ceux qui veulent parler de la lutte des classes. Nous défendons les biens matériels des ouvriers car ce sont eux qui paient les frais de la crise. »
Ils hésitent à se présenter
Chez Europe écologie les verts (EELV), la consigne au niveau régional en vue du premier tour des municipales est de présenter des listes autonomes. Un mot d’ordre qui pourrait ne pas être respecté à Saint-Denis. « Nous sommes en capacité de coucher 55 noms sur une liste, assure Kader Chibane, chef du groupe EELV au conseil, mais nous allons faire le bilan de la mandature et nous nous déciderons à la rentrée de septembre. À 1 an de l’élection, il y a beaucoup de postures. Je pense qu’il y aura moins de listes que prévu au final. Et je ne suis pas certain qu’un scrutin avec 15 listes favorise la démocratie. Concernant les alliances, on peut se rapprocher de toutes les forces de gauche mais pas de LREM. Nos statuts nous l’interdisent. »
Si du côté du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) on a pris l’habitude de partir seul aux municipales, on devine la tentation de faire cause commune avec d’autres cette fois. « Il est trop tôt pour discuter, selon Jean-Marc Bourquin. Pour le moment on regarde. Même si nous avons toujours eu une tête de liste autonome, notre objectif n’est pas de se présenter absolument, mais d’être rigoureusement indépendants. Ce qui nous intéresse également c’est l’attitude des uns et des autres. Une des questions est la position des Insoulmis. En désaccord avec la majorité, ils devraient rompre mais retardent le moment. Nous avons des interrogations sur leur capacité à le faire. S’il y a une liste France insoumise élargie en rupture avec la municipalité, nous serions ouverts à la discussion. »
Ils veulent avoir leur mot à dire
« Il y a très peu de chances de voir une liste Génération-s. » Émir Deniz, qui a récemment démissionné du conseil régional (lire en page 2) ne s’en cache pas, le mouvement de Benoît Hamon ne sera pas en première ligne en mars 2020. « En revanche, nous sommes ouverts. Nous n’avons pas d’opposition de principe au PCF, mais au sein de Génération-s certains ne sont pas convaincus du bilan de la majorité sortante. » Alors que la coordinatrice de Notre Saint-Denis est issue de ses rangs, la logique voudrait que Génération-s in fine rejoigne la candidature de Mathieu Hanotin.
Pour sa part, Michel Ribay, élu indépendant EELV au conseil municipal, réserve encore sa réponse. « Je reste disponible pour mener à bien la transition écologique du territoire et poursuivre mon travail d’élu sur ce plan avec l’équipe qui mettra au cœur de ses préoccupation cette problématique. Mais mettre en avant et traiter sérieusement, ce n’est pas la même chose », prévient le maire adjoint. Enfin, du côté des listes citoyennes, si pour le moment c’est le calme plat à en croire les personnalités hors parti interviewées dans le cadre de cet article, des surprises ne sont pas à exclure. Car finalement, 1 an, c’est loin.
Yann Lalande
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27 mars 2019
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28 mars 2019
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