En ville

Histoires vraies en scène

Mardi 10 juin, les onze comédiens amateurs ayant participé à l’atelier ont joué les scénettes, inspirées de faits vécus, autour des violences domestiques.

« On va jouer ces histoires une première fois comme au théâtre. La deuxième fois qu’on les jouera, la parole est à vous : au moment où vous pensez qu’on peut agir autrement, vous allez dire stop. Il n’est pas besoin d’avoir une grande idée. Un mot peut suffire à faire bouger les choses, comme dans la vie. » Ce mardi 10 juin, dans les locaux de Rencontre 93, structure d’éducation spécialisée, Sarah Guenoun explique à un public d’une quarantaine de personnes le mode d’emploi du spectacle de théâtre forum qui va être joué ce soir-là. Cette comédienne de la compagnie NAJE allait ensuite céder la place à une troupe amateur de onze personnes, des femmes surtout. Voilà six mois qu’avec une autre comédienne de NAJE elle conduit auprès d’elles, dans le quartier Pierre-Sémard, un atelier de théâtre forum, qui touche à présent à sa fin. Après les séances de travail hebdomadaires, entre soi, à l’école Roger-Sémat, c’est le regard des autres que ces amateurs vont affronter pour la première fois, avec « quatre histoires vraies ». Des histoires vécues par plusieurs participants de l’atelier, mais que ces narrateurs n’ont jamais interprétées eux-mêmes. Telle était la règle. Celle qui ouvre le programme n’en est que plus impressionnante.
« Il y a des scènes un peu dures », prévient d’ailleurs Sarah Guenoun. Elles sont trois, deux sœurs et leur mère. Dès qu’elle arrive à la maison pour sitôt repartir au théâtre, la cadette, collégienne, est abreuvée d’insultes par son aînée. Celle-ci lui enjoint d’exécuter sa part de tâches ménagères. La petite sœur persiste à vouloir sortir. Les coups pleuvent. Elle résiste encore et encore, quand un couteau est brandi sous son nez par l’aînée, que la mère sitôt rentrée va cogner à son tour. Comment enrayer cette violence familiale ? Une première main se lève parmi les spectateurs, puis une autre pour jouer une petite sœur surtout attachée au dialogue, et qui faute d’y parvenir composera le 119, numéro d’urgence pour enfance maltraitée.
Drame familial plus douloureux encore, l’inceste est au cœur de pas moins de deux histoires, dont le pivot est également une cadette, collégienne. Des trois sœurs de cette famille éclatée, elle seule a été épargnée par le père, absent, dont elle se refuse à admettre le crime, et les années de prison. Elle veut le rejoindre pour les vacances, malgré ce qu’en dit la mère, qui vient de rompre le silence. Dans un autre récit, c’est une adolescente, victime de son frère aîné, qui des années plus tard, s’emploiera à briser le secret qui l’étouffe. Dans une dernière histoire, touchant à la question des familles recomposées, c’est un homme, avare de son argent, dont sa compagne, mère d’une fillette, va tester les sentiments. « Quand on joue, on pense très fort à la personne dont c’est l’histoire. On a la responsabilité de ne pas faire n’importe quoi avec l’histoire des gens », confie Patricia, une institutrice, très convaincante dans un registre dur et même violent, étranger à son tempérament « plutôt cérébral ».
Les quatre récits, qui avaient été sélectionnés parmi une dizaine, ont également été joués à l’école Roger-Sémat. Proposé par la démarche-quartier, avec le soutien de l’association de prévention Canal et le Contrat urbain de cohésion sociale, l’atelier donnera une dernière représentation, le mardi 24 juin à 19h, à la maison de quartier de la Plaine (120, avenue du Président-Wilson).
Marylène Lenfant

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