Portrait
Geneviève Bellanger /
Du côté des exclus
Le parcours de Geneviève Bellanger aura été guidé par les valeurs de sa famille « chrétienne de gauche ». Née en 1949, à Saint-Denis, d’un père ouvrier et d’une mère immigrée espagnole employée à la CAF, elle a grandi, dans le quartier de la Plaine, avec « l’impression que s’engager était naturel ». Son père, Abel Tissot, ancien FFI (Forces françaises de l'intérieur), faisait partie du Mouvement de la paix et d’Action catholique ouvrière. « J’allais aux Âmes vaillantes, l’équivalent des scouts pour les enfants d’ouvriers », se remémore Geneviève. A 16 ans, elle suit les traces de ses parents en rejoignant la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), où ils ont été militants.
Une instit’ engagée
Elle entre à l’âge de 15 ans à l’Ecole normale d’institutrices du Bourget, pour se former à « un métier qui a du sens ». Sa dernière année de formation a lieu en 1968, elle goûte à la mobilisation et à la grève. Elle se syndique à la CFDT, « qui représentait aussi des corporations ouvrières ». « Une part de moi est issue du monde ouvrier et une autre du monde de l’immigration, de là ont découlés beaucoup de mes engagements, situés du côté des exclus. A 18 ans je militais déjà avec la CIMADE et à Aide à toute détresse. » Son premier poste d’institutrice sera ainsi à l’école maternelle du Franc-Moisin qui accueillait les enfants du bidonville.
Celle qui était parfois décrite comme « rebelle » dans sa jeunesse, décide de se marier en 1971 à un prêtre-ouvrier, Jean Bellanger, de 17 ans son aîné. De cette union naissent deux enfants : Emmanuel et Marie, qui auraient pu être baptisés autrement si l’état civil n’avait pas refusé d’inscrire le fils aîné sous le prénom de « Karim ».
Une élue de terrain
En 1971, Geneviève et son mari adhèrent au Parti communiste, sur la suggestion de Maurice Manoël, ancien maire adjoint à Saint-Denis, avec qui le couple lancera la Quinzaine solidaire et antiraciste en 1972. Pour Geneviève, prendre sa carte au PC, « c’était la poursuite logique de [s]on attachement au monde ouvrier ».
En 1978, on lui propose de devenir maire adjointe à l’immigration et à la communication. « C’était la première fois que l’immigration était attribuée à une maire adjointe, c’était une mission difficile car j’étais rattachée aux autres secteurs et devait travailler de manière transversale ». Elle enchaîne avec deux autres mandats de conseillère municipale, sur les secteurs de l’enseignement, culture et sport ; puis de l’action sociale et solidarité. « Je continuais à travailler. Pour moi être élue n’a pas de sens si on n’est pas sur le terrain », confie-t-elle. Concilier mandat, militantisme, travail et vie de famille n’aura pas été de tout repos, mais aura aussi été « porteur ». « En temps qu’enseignante et élue, j’ai contribué à ce que nous obtenions que le Franc-Moisin devienne une ZEP (zone d’éducation prioritaire). Dans tout ce que j’ai fait je défendais l’idée que les immigrés sont des habitants à part entière, leurs enfants méritent un enseignement de qualité ».
Après son dernier mandat, elle ne reprend pas sa carte au Parti communiste et se concentre sur sa carrière professionnelle et son activité syndicale au SNUIpp. « J’ai toujours continué à me former, notamment pour accompagner les enfants en difficulté. A plus de 40 ans, je suis même allée à des cours du soir en sciences de l’éducation à Paris 8 ». Directrice de l’école maternelle du Franc-Moisin dès 1980, elle devient ensuite en 1994 directrice en section d’éducation spécialisée (SES), dédiée aux collégiens en difficultés, toujours au Franc-Moisin.
Désormais retraitée, Geneviève « fait de la politique autrement ». Elle a milité avec le Front de Gauche, mais s’est surtout investie dans des associations. D’abord auprès de familles vivant dans des logements insalubres victimes de saturnisme, puis en créant l’association de locataires Au bord du tram, ou encore en devenant membre du Conseil citoyen du Grand centre-ville. En 2015, elle lance un collectif avec ses voisins du passage Haguette. Son objectif : embellir leur environnement, avec notamment un jardin partagé. A 70 ans, elle continue d’œuvrer pour « le faire ensemble ».
Delphine Dauvergne