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Mots et regards/
Des comptines et des hommes
Tout a commencé avec les bains de mots, ces ateliers de partage de comptines, jeux de nourrices et jeux de doigts, organisés par Mots et Regards. Depuis plusieurs années, l’association dionysienne propose aux parents et à leurs enfants d’échanger autour de ce patrimoine. À chaque séance, les idiomes s’entrelacent en même temps que les souvenirs d’enfance rejaillissent.
« L’idée de ce projet est d’enregistrer le maximum de témoignages pour pouvoir construire une base de données accessible sur notre site Internet. Fin janvier, il y aura un calendrier qui fixera les dates de récolte de chansons et de souvenirs des habitants, explique Katie Bournine, présidente de Mots et Regards. Nous travaillons avant tout sur l’histoire personnelle des habitants et la mémoire sensorielle que ces comptines évoquent chez eux comme le souvenir d’un parfum, d’une couleur…»
Projet ConVersatoire
Cette collecte a été labellisée projet ConVersatoire, dispositif mis en place par la Ville de Saint-Denis qui a pour vocation de valoriser les patrimoines immatériels des habitants.
« Derrière chaque comptine il y a une histoire familiale, une richesse. L’autre jour, une fille d’origine béarnaise était persuadée que le jeu de doigts qu’elle nous proposait, et qu’elle avait en partie oublié, avait été inventé par sa grand-mère. Mais on a découvert que ce n’était pas le cas. Après quelques recherches, elle a pu le chanter et l’enregistrer avec les paroles complètes. C’était émouvant. »
À la fin de cette collecte qui durera un an, un livre compilant les berceuses récoltées sera édité. Les lecteurs y retrouveront aussi des schémas de jeux de doigts. Depuis trois mois, une cinquantaine d’habitants ont pris part à l’initiative et, selon les trajectoires, des histoires poignantes émergent. « Un monsieur, un migrant que j’ai rencontré à Porte de La Chapelle, me racontait qu’il ne pouvait plus chanter sa comptine préférée depuis qu’il était sorti du bateau, car c’était trop dur, il avait perdu un enfant. Cette chanson était bannie. Une autre, au contraire, m’a confié qu’elle chantait des chansons de son pays d’origine pour consoler sa fille durant la traversée pour la France, témoigne avec émotion Katie. Pour moi les personnes en situation irrégulière font partie de la ville et de son histoire, leurs chants et comptines ne pouvaient être absents de ce projet. Cette richesse qui passe, il fallait qu’on la saisisse. »
Maxime Longuet
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