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Des aidants à bout de souffle
« Depuis quelques mois je suis au bout du rouleau », admet Muriel, 59 ans, aidante de sa mère âgée de 90 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Son quotidien est rythmé sur la vie de cette dernière. « Nous habitons juste à côté. Tous les matins je vais la voir avant de travailler, puis une auxiliaire de vie vient pour la toilette. Je téléphone à ma mère à la pause déjeuner et je passe ensuite la soirée avec elle jusqu’à 21h. » La période du premier confinement a été encore plus difficile : « J’étais avec elle tout le temps, même le mardi où habituellement elle allait à l’Ehpad de Stains. »
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Laura (1) vit une situation similaire avec sa mère, âgée de plus de 80 ans et vivant avec une pathologie lourde. La proximité de leurs logements lui permet de s’occuper d’elle. « Pendant le premier confinement, j’ai pris en charge la toilette, qui est faite habituellement par le SSIAD (Services de soins infirmiers à domicile). Pour ce deuxième confinement, je suis en télétravail, mais surchargée et épuisée, je continue donc de faire appel à cette aide. »
Les parents d’enfants en situation de handicap sont aussi à bout de souffle. Lynda élève seule trois enfants, dont une fille de 14 ans atteinte d’un syndrome autistique. « Elle n’a aucune notion du danger, je ne peux pas la laisser seule quelques secondes. » Le premier confinement n’a pas été simple. « Elle était frustrée, faisait beaucoup de crises, ne dormait pas… »
Des services d’accompagnements limités
Faute de places à Saint-Denis en accueil de jour ou hébergement temporaire, les familles inscrivent leurs seniors ailleurs dans le département, ce qui complique encore leur quotidien. La problématique est la même pour les familles avec des enfants en situation de handicap. « Ma fille est depuis deux ans sur la liste d’attente pour le SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile) et il y a environ deux cents enfants avant elle… », désespère Lynda, qui a opté pour une classe ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire) dans le privé en attendant.
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Le fils d’Aminata (1), atteint de troubles autistiques, s’est lui retrouvé sans solution à 14 ans, en sortant de l’Institut médico-éducatif de Saint-Ouen, pendant une année entière. « Il a été très violent pendant cette période, qu’il a très mal vécue.» Le manque de places, mais aussi le sérieux des accompagnements, est souvent mis en cause par les aidants. « Les intervenantes ne font pas toujours leur travail correctement, parfois personne ne passe, ou les médicaments n’ont pas été donnés… Je ne peux pas faire confiance à 100 % », soupire Laura. Les initiatives pour épauler les aidants sont faibles à Saint-Denis. « J’aurais aimé être accompagnée par une association de parents aidants, pour mieux savoir comment réagir quand mon fils était plus jeune », regrette Aminata. Face à un besoin des familles, désirant plus d’inclusion pour leurs enfants, Lynda a créé l’association All inclusive. Un café des aidants, organisé par la Cramif (Caisse régionale d’assurance maladie), existait avant à la Maison des seniors, mais s’est arrêté.
Un besoin de répit
« Cette société m’a volé ma vie de maman, j’ai l’impression de ne pas avoir élevé mes deux garçons car je passe tout mon temps à m’occuper de ma fille », constate Lynda. « On n’a pas de vie privée quand on est aidant, on court de rendez-vous en rendez-vous. Pédopsychiatre, orthophoniste… Parfois on est obligé d’aller à Paris pour certains spécialistes », souligne Christine, 48 ans. Lynda aimerait qu’il y ait « au moins un centre de santé de la Ville formé aux soins somatiques pour les personnes autistes ». Pour pouvoir accompagner leurs trois fils, qui ont des troubles de l’attention et des troubles autistiques, Christine et son conjoint « prennent sur leurs congés ».
Interrogé sur le sujet, Abdelmadjid Bouhenna, maire adjoint au handicap à Saint-Denis, évoque « une réflexion sur des congés supplémentaires pour les aidants salariés de la Ville ». Muriel a envisagé de placer sa mère le temps des vacances, mais elle s’est heurtée à des difficultés : « Il faut s’y prendre au moins 6 mois à l’avance et c’est assez cher. » « Cela fait plusieurs années que je ne suis pas partie en vacances car je ne fais pas assez confiance aux dispositifs à domicile. Concernant un hébergement court en structure, j’ai peur qu’avec ses troubles cognitifs cela déboussole ma mère. On culpabilise vite, on préfère prendre sur soi », confie Laura.
Delphine Dauvergne
(1) Les prénoms ont été modifiés.
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Vers qui se tourner ?Plateforme de répit et d’accompagnement des aidants Saint-Vincent-de-Paul (Fondation Œuvre de la Croix-Saint-Simon), portée par l’accueil de jour à Stains : 01 48 27 88 93. All inclusive, association de défense des droits des autistes, TDAH et DYS et leurs familles : allinclusive.autisme@gmail.com La Maison des seniors : 6, rue des Boucheries, 01 49 33 68 34. France Alzheimer 93, qui tient une permanence mensuelle à la Maison des seniors : francealzheimer93@gmail.com / 01 43 01 09 66. Plateforme de ressources des aidants de Vyv3 (accompagnement administratif, social, psychologique) pour tous les aidants des personnes de plus de 60 ans en situation de handicap : marie.deleforge@idf.vyv3.fr / 01 48 20 42 72 l DDa. |