En ville
La nature se rêve aérienne (partie 3) /
Des îlots de verdure
« Depuis plusieurs années, on se rend compte que beaucoup d’habitants disposant d’appartements avec de grandes terrasses (jusqu’à 80 m2), ne les utilisent pas, y stockent les ordures. Les enfants n’en profitent pas… C’est un gâchis », a constaté cette Dionysienne passionnée par l’architecture atypique de cette cité HLM, imaginée par Renée Gailhoustet. Une idée germe en discutant avec son ami Bernard, marchand de fleurs et de graines : et pourquoi pas mettre en lien les personnes des jardins ouvriers avec ces nouveaux habitants ? En échange de conseils, d’entretien et de mise en culture des jardins, une récolte à partager.
À la fin de l’hiver 2011, plusieurs familles et jardiniers sont convaincus et se lancent dans ce projet d’échange. « Sept familles ont accepté de jouer le jeu. Nous les avons convaincues en argumentant sur le côté utile de faire pousser des fruits et des légumes chez soi, mais aussi l’idée d’avoir une terrasse bien entretenue, esthétique, belle à regarder. Environ 80% des terrasses étaient surtout composées d’alimentaire (tomates, groseilles, framboises, laitues, petits pois…). Certaines familles ont préféré des fleurs (lys, iris…). Des choses simples et jolies pour commencer à leur donner le goût du jardinage. Nous leur avons fait découvrir le plaisir d’avoir quelque chose qui pousse à soi », raconte Anabel.
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L’initiative est désormais à l’arrêt. Le turn-over dans ces immeubles freine son développement. « Certaines personnes ne sont pas là pour longtemps et ne voient pas l’intérêt de s’investir, d’autres sont réticentes à ce que des étrangers viennent toutes les semaines chez elles pour entretenir leur terrasse. Il y a aussi un repli sur soi, c’est plus difficile aujourd’hui de créer des espaces et occasions de rencontres », regrette Anabel. Elle ne baisse pas les bras pour autant et continue de démarcher les habitants des îlots.
Sa terrasse à elle, d’une trentaine de mètres carrés, est une véritable ode à la nature. On y trouve pêle-mêle : olivier, figuier, rosier, if, aucuba, géranium, clématite, jasmin d’hiver, jasmin d’été, chrysanthème, hortensia, kalanchoé, clémentinier, pensées, campanule, muguet… « Je suis une passionnée de fleurs, l’esthétique de notre lieu de vie compte beaucoup pour moi. » Pour inciter les habitants à faire pousser de belles choses chez eux, elle pense qu’il serait judicieux que « les serres municipales distribuent des bons pour des graines ».
Le beau amène le respect des espaces
Investie dans la consultation des habitants pour le projet du plan ANRU, pour la réhabilitation de la cité, Anabel aimerait que les projets de rénovation aboutissent vers « des espaces plus agréables. Il y a vingt ans, les mères se promenaient avec leurs enfants sur la dalle du premier étage, aujourd’hui on y passe rapidement, on ne s’y sent pas toujours en sécurité le soir et la saleté rend le lieu peu accueillant ».
Les travaux récents d’étanchéité sur la dalle se sont terminés il y a deux mois, des arbres ont été plantés dans plusieurs espaces verts, mais ils côtoient encore de mauvaises herbes. « Quand il y aura des fleurs plantées, il y aura peut-être moins de déchets jetés », espère-t-elle. Son leitmotiv : « quand quelque chose est beau, on le respecte plus ».
Delphine Dauvergne
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