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Sport vétéran
/ Compèt, éclate et engagement associatif

Selon les disciplines sportives, on atteint la catégorie « vétéran » ou « super-vétéran » à des âges variables mais, généralement, elle renvoie à la pratique d’un sport par une personne âgée de plus d’une quarantaine d’années. Le terme, qui recouvre diverses définitions et imaginaires en raison des multiples sens qu’on peut lui donner en dehors du monde sportif, démontre aussi l’engouement pour l’activité physique de cette tranche de population. À Saint-Denis, le sport vétéran sert également de lien social et d’expérience de dépassement de soi.
© Bertrand
© Bertrand

« On joue à Saint-Denis en vétéran depuis une dizaine d’années », exprime Jean-Paul Calvayrac, 72 ans, responsable de l’Amicale FC, un club de foot réservé aux anciens depuis 1971. Composé aujourd’hui d’une équipe de 25 joueurs, le club, comme son nom s’y réfère, s’est constitué autour d’un groupe d’amis afin de disputer des rencontres amicales. Désormais, ils participent au championnat des Vétérans (+ 45 ans) joué le dimanche matin organisé par le District de Seine-Saint-Denis.

« Avant, il y avait deux équipes mais pas assez de joueurs, précise l’actuel président et créateur du club. Chez nous, l’esprit se situe à limite entre le championnat et le football loisir. Les gens qui viennent sont des amoureux du ballon rond», raconte Jean-Paul Calvayrac. Au Racing, on compte 27 licenciés dans la section senior, c’est-àdire des moins de 35 ans. L’équipe des vétérans a été supprimée il y a trois ans.

« En bien meilleure santé »

« On a aujourd’hui quarante années d’existence. Auparavant il y avait un gros noyau de vétérans, c’était une bonne formation avec des anciens, mais nous avons fait le choix d’ouvrir plus de sections féminines et de mettre de côté la section vétéran pour privilégier aussi l’équipe senior », relate Ephrem Fulbert, l’un des trois entraîneurs, qui a également joué au sein de la section vétéran. « C’était plus du foot loisir, on avait du mal à être compétitif et j’avoue que cela me fatiguait car j’adore la compétition », poursuit d’un ton jovial ce traiteur événementiel de métier.

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À ses yeux, le foot en équipe doit avoir une ligne compétitive. Ce qui manque actuellement dans la section senior. « Il existe un certain décalage entre la nouvelle génération et l’ancienne au niveau de la compétition. Il faut mouiller le maillot, lui faire honneur, se donner pour le club mais il y a un manque d’investissement chez certains jeunes, constate l’entraîneur. La nouvelle génération a besoin d’être encadrée par les anciens. » Dans quelle catégorie se place Ephrem Fulbert ?

« J’ai 49 ans et je m’entraîne deux fois par jour, il n’y a pas de limites, tout dépend du corps. » Dans une étude de 2015 (1) sur la pratique sportive des Franciliens âgés de 55 à 64 ans, il est démontré que « les seniors ayant une activité physique régulière se perçoivent en bien meilleure santé que ceux qui ont une activité occasionnelle ou qui ne témoignent d’aucune pratique d’activités physiques ou sportives ».

« Petit à petit, les mentalités changent »

Un point partagé par Annie Dorina, 63 ans, athlète du club Saint-Denis Émotion. En cette période d’épidémie, lorsqu’on lui demande comment elle se porte, la championne d’athlétisme en catégorie Masters (équivalent des vétérans) répond qu’elle ne se sent pas « vulnérable. Mon cœur va très bien », mais, nuance-t-elle, « je ne suis pas invulnérable. Ceux qui font du sport sont plus protégés que d’autres car ils sont en bonne santé ». La sociétaire de Saint-Denis Émotion est la seule vétérane qui pratique le triple saut et la longueur. « En Master, les courses sur triple saut sont plus compliquées. On doit faire de la musculation, solliciter plus le corps. » Au sujet de la reconnaissance du sport vétéran en France, notamment dans sa discipline, Annie Dorina affirme : « Dans les autres pays d’Europe, c’est plus reconnu, en France ce n’est pas encore ça. Mais, petit à petit, les mentalités changent. »

Du côté du Sdus volley, la passion est un moteur notamment pour créer du lien social. Ami Doumbia, entraîneure et présidente du club, indique qu’il n’existe pas de sections vétérans. « On a de tout, des personnes retraitées, des jeunes de 18 ans et plus… La tranche d’âge moyenne va de 25 à 45 ans. Mais on joue ensemble sans faire de tranches séparées. Les jeunes ne se sentent pas en décalage par rapport aux personnes plus âgées du groupe. »

« Le sport, ça doit être pour tous »

Ami Doumbia, qui pratique le volley depuis plusieurs années et qui est membre de l’association sportive depuis 25 ans, explique que le but de la section est de mobiliser le volley comme outil pour « créer du lien entre les gens, instaurer de l’entraide, de la bienveillance et du soutien mutuel ». Beaucoup de personnes qui rejoignent le Sdus volley s’interrogent sur leur légitimité à pratiquer ce sport à 35 ans et plus. « Vétéran ou pas, le sport, ça doit être pour tous, qu’on soit en surpoids ou taille mannequin », continue la Dionysienne.

Même constat pour Lisa, présidente de l’association Fit and Tack. Cette discipline qui mêle aérobic, Pilates ou encore fitness existe depuis trois ans dans la commune. « Dans les cours un peu plus cardio, qui demandent plus d’efforts, je vois parfois des seniors qui n’arrivent pas forcément à suivre mais ils essayent quand même et s’amusent. Il ne faut pas oublier le côté social. » À ses yeux, un vétéran « signifie quelqu’un qui a déjà vécu et qui est plus expert ». Mais pour Lisa, « il faut que tout le monde bouge quel que soit l’âge ».

En France, la pratique d’une activité physique et sportive (APS) est passée de 59 % à 84 % entre 1985 et 2010 pour les 50-74 ans d’après une étude commandée par la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). Et en Île-de-France, le nombre de pratiquants pourrait augmenter de 0,5 million d’ici à 2030.

Yslande Bossé

(1) « Les pratiques sportives et l’engagement associatif des “pré-seniors” de 55-64 ans en Île-de-France ».