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Sols pollués à Saint-Denis/
Cinq sites industriels recensés
Basol est une base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics à titre préventif ou curatif, mis à disposition par le ministère chargé de l’Environnement. Il recense à Saint-Denis, en plus du terrain de la Plaine Saulnier, quatre anciens sites industriels. L’ancienne usine à gaz du Cornillon où se situe désormais le Stade de France. Sa fiche, publiée sur la base de données en octobre 2007, fait état notamment d’hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les sols et dans les nappes phréatiques. Des travaux de dépollution ont été réalisés en 1994 puis en 1995 après la découverte tardive de pollution « lourde et dangereuse ».
Le site de Total Solvants situé rue Francis-de-Pressensé à la Plaine. Des traces de BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes), d’hydrocarbures et de solvants non halogénés ont été retrouvées dans les sols et dans les nappes phréatiques. L’ancien dépôt de solvants organiques a cessé ses activités en 1992. Une première opération de dépollution de la nappe a été réalisée en 1994 mais la base de données indique que le traitement des terres reste à compléter. Le site fait l’objet d’un suivi par la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie qui n’a pas donné suite à nos questions.
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L’ancien dépôt pétrolier Shell démantelé en 1995. Le site a fait l’objet de deux phases de dépollution en 1994 puis en 1999 en vue d’éliminer les hydrocarbures flottant sur la nappe phréatique. Un nouvel état des lieux réalisé en 2005 a mis en évidence une pollution résiduelle. Contacté, EDF, l’actuel propriétaire du terrain, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Le terrain de la Compagnie d’applications chimiques à l’industrie dont l’activité de fabrication de produits chimique s’est arrêtée en 1992. Une étude réalisée en 2000 pour le compte d’un acheteur potentiel a mis en évidence une pollution « résiduelle importante » du terrain par des solvants chlorés et du plomb. Aucun document concernant des travaux de dépollution n’a depuis été ajouté au fichier Basol.
« Jargon administratif »
La base de données Basol est le plus souvent associée à des diagnostics de sols réalisés dans le cadre de la cessation d’activité d’une Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Cette classification recense toute exploitation industrielle ou agricole susceptible de provoquer des pollutions ou nuisances. En 2014, on comptait environ 500000 ICPE en France. « Ces bases de données sont diffusées publiquement car c’est la loi, mais ne sont pas accessibles au grand public en soi, détaille Axelle Croisé, chercheuse associée en tant que doctorante au sein du Giscop 93, un groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle. Il faut interpréter les données, les comparer et faire face à un jargon administratif. » Un constat partagé par la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés à la pollution des sols en raison d’activités industrielles ou minières, qui a présenté ses conclusions au Sénat le 10 septembre 2020.
« L’identification des sols pollués est encore aujourd’hui très incomplète. Les bases de données aujourd’hui disponibles […] ne permettent pas de disposer d’une vision consolidée de l’état de dégradation des sols dans notre pays, détaille la commission. À la fragmentation de l’information disponible s’ajoute la technicité des données qui rend leur compréhension bien souvent peu intelligible. »
Pour la sénatrice et rapporteuse de la commission Gisèle Jourda (PS), le sol reste le parent pauvre en termes de réglementations environnementales. Il n’existe pas en effet de définition législative de la pollution de sols comme il en existe pour l’eau et l’air. « Il paraît nécessaire de faire évoluer le droit français afin de consacrer le droit à l’information du public sur l’existence de pollution des sols, d’établir la cartographie nationale des risques sanitaires et environnementaux liés […], d’améliorer la surveillance des usines en cessation d’activité et de créer une incitation fiscale à la dépollution », avait déclaré la sénatrice lors de la présentation du rapport en septembre. Le Sénat a d’ailleurs voté le 25novembre un amendement porté par Gisèle Jourda prévoyant la création d’une ligne budgétaire de 25 millions € par an pour financer la dépollution des friches industrielles dites orphelines, dont les exploitants ont disparu. Un amendement voté contre l’avis du gouvernement.
Olivia Kouassi
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« Retrouver la qualité des terres dionysiennes »« L’état des sols de la ville est plutôt mauvais », reconnaît Laurent Monnet, maire adjoint délégué à la transformation écologique. La nouvelle municipalité s’est engagée à être « plus précautionneuse vis-à-vis de la pollution des sols » tout en accroissant l’attractivité du territoire. « Il y a un vrai sujet de requalification et d’enrichissement de la terre, détaille l’élu. La terre dionysienne était reconnue de grande qualité et l’idée est de la retrouver. » Pour cela, la Ville compte en mars prochain présenter un plan d’action précis, avec comme angle majeur la lutte contre les pollutions, mais aussi la lutte et l’adaptation de Saint-Denis aux changements climatiques à travers notamment la rénovation énergétique des bâtiments. « Il y a des acteurs du territoire comme l’association Halage, qui a pour vocation de travailler la terre pour l’améliorer par des mélanges entre celle excavée des chantiers notamment et du compost. » La pollution n’empêche pas non plus la culture. Ainsi, à la Ferme urbaine, ou bien que les terrains sont pollués, certains types de légumes qui ne captent pas les molécules enfouies, poussent à même le sol. OK. |