En ville

Blocus au lycée Paul-Éluard
/ Cinq jeunes arrêtés puis libérés

Depuis la rentrée, le 2 novembre, des lycéens bloquent leur établissement pour demander le renforcement du protocole sanitaire. Mercredi 4 novembre, vers 13h, alors que des élèves tentaient de bloquer l’établissement avec des poubelles prêtes à être incendiées, la police est intervenue et a interpellé avec violence, selon plusieurs témoignages, quatre jeunes.
Jeudi 5 novembre après-midi, la situation était revenu à la normal devant le lycée Paul-Eluard
Jeudi 5 novembre après-midi, la situation était revenu à la normal devant le lycée Paul-Eluard

Mercredi 4 novembre, la tension est montée d’un cran au lycée Paul-Éluard. Suite au blocage de l’établissement, cinq lycéens ont été arrêtés par les forces de l’ordre : l’un a été rapidement libéré, avant que les quatre autres soient relâchés plus tard dans la soirée, après une mobilisation de parents d’élèves, de professeurs et de surveillants devant le commissariat central de Saint-Denis. « Ce sont des mineurs qui ont été interpellés à tort parce qu’ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment », a critiqué Malika Chemmah, représentante de la FCPE, jugeant l’arrestation de ces élèves, âgés de 15 à 16 ans, « scandaleuse ».

Selon plusieurs témoignages, ce jour, vers 13h, des élèves ont essayé de bloquer – en vain – l’entrée du lycée avec des poubelles aspergées d’essence, en vue de les incendier. Placés devant les grilles, des agents de sécurité de la Région ont réussi à faire avorter cette tentative. Alertés, des policiers ont alors été appelés sur place. Sur des vidéos amateurs, que le JSD a pu consulter, un premier adolescent – qui sera mis hors de cause dans les incidents – est plaqué au sol par deux agents. La situation se tend. Un attroupement se crée. Dans la confusion, les forces de l’ordre procèdent à quatre nouvelles interpellations musclées : un policier tente une balayette sur un jeune qui résiste, un autre élève est projeté au sol.

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« Les policiers ont tapé dans le tas au hasard. Selon les gamins, ceux qui ont été arrêtés n’ont pas essayé de mettre le feu aux poubelles », raconte un médiateur, qui a tenté de calmer la situation entre les jeunes et les policiers. Sur place, les policiers ont retrouvé une petite bouteille avec de l’essence, qui, d’après les forces de l’ordre, pourrait avoir été en possession de l’un des lycéens arrêtés. « Ces élèves sont des mineurs, des êtres humains. Ce ne sont pas des animaux. Combien même on va les interpeller, il y a des façons de le faire », a dénoncé Myriam, surveillante à Paul-Éluard, et sœur d’un jeune arrêté, relâché en premier après deux heures passées au poste. Elle a reçu un message d’un gradé du commissariat qui a reconnu que son frère avait été « interpellé par erreur ». « On était à la recherche d’un individu avec les cheveux longs », a justifié le policier.

« Ils nous ont insultés »

Le frère de Myriam a été transporté en voiture avec un autre camarade. Lors du trajet, des policiers « nous ont frappés avec des matraques. Ils nous ont mis des coups de poing, des claques. Ils nous ont insultés », a-t-il témoigné auprès du site Révolution permanente. L’autre lycéen – parce qu’il aurait bousculé un policier – a particulièrement été roué de coups : lorsqu’il est sorti du commissariat dans la soirée, cet adolescent avait l’arcade sourcilière et le nez ensanglantés.

L’émotion était forte parmi les parents. « Les jeunes peuvent être insolents, un peu rebelles, mais ils ne méritent pas d’être frappés », confie Raoul, père d’un adolescent arrêté. Une enquête est en cours pour déterminer le déroulement exact des faits, selon le Parquet de Bobigny. Libérés mercredi soir, les quatre adolescents sont accusés, selon les cas, de rébellion, d’outrage, de violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ou encore de détention de substance incendiaire. Depuis la rentrée, le 2 novembre, des lycéens ont bloqué leur établissement pour demander le renforcement du protocole sanitaire. Ce blocus a eu lieu dans le calme jusqu’aux incidents de mercredi. Jeudi matin, la situation était de nouveau tendue quand des élèves de l’Enna et de Bartholdi sont venus aux abords du lycée Paul-Éluard : des échauffourées ont éclaté entre les policiers et les jeunes avant que ces derniers ne soient finalement dispersés.

Trop d’élèves dans les classes

Élève en 1re à Paul-Éluard, Amir est opposé à l’usage de la violence. Depuis le début, il explique que le blocus est « pacifique ». Avec d’autres, il a fait des chaînes humaines devant l’entrée du lycée. « Après, on n’oblige personne à ne pas entrer », dit-il. La majorité des élèves, explique-t-il, soutiennent le mouvement pour dénoncer les conditions sanitaires à l’intérieur de l’établissement : trop d’élèves dans les classes, dans les couloirs, pénurie de gel hydroalcoolique, pas de distribution de masques, etc.

« À la cantine, on est tous collés. Il n’y a pas la distance d’un mètre, donne-t-il comme exemple. Je ne comprends pas pourquoi on peut être 20, 30 par classe, alors qu’on n’a pas le droit d’être plus de 6 à table à la maison », renchérit-il. « À 30 par classe, il y a forcément de la transmission, ajoute Léonore, en terminale. Depuis le nouveau confinement, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. Ce n’est pas normal. C’est pour cela que l’on manifeste. »

Comme beaucoup d’élèves, Amel, 15 ans, craint de contaminer ses parents : « Ma mère a une maladie cardiaque. Je ne peux pas me permettre de lui transmettre le virus. » « On espère qu’on sera entendu », disait Amir avant les nouvelles annonces de Jean-Michel Blanquer, jeudi 5 novembre. Pour répondre à la fronde lycéenne, le ministre de l’Éducation nationale a autorisé la mise en place des cours à distance, de demi-groupes et l’extension du contrôle continu au bac. Ce vendredi 6 novembre, les élèves ont décidé la levée du blocus.

Aziz Oguz