Portrait

Bafing Kul, chanteur des droits

Il dénonce les injustices de la société malienne, comme l’excision, qui lui vaut d’être persona non grata en son pays. Il a monté l’association Mélodies du monde pour promouvoir les artistes africains engagés.
BAFING KUL
BAFING KUL


« Je ne suis pas surpris. » Quand on l’interroge sur la situation au Mali, son pays, Bafing Kul se fait grave. « Cela fait trente ans qu’il est mal dirigé, que la démocratie n’est qu’apparente. On a trop mélangé l’État et la religion », poursuit-il.


Bafing, prénom bambara, Kul pour Coulibaly, est né à Bamako, la capitale. Orphelin de père, il est confié par sa mère seule à un oncle fonctionnaire avec qui il va suivre sa scolarité en différentes régions du pays. Enfant, il voulait être médecin, puis journaliste, mais, faute d’école, il devient technicien comptable.


La musique a toujours pris une grande place dans sa vie. Mais, selon la tradition, un Coulibaly, considéré comme noble, ne devient pas chanteur. Ce sont les griots qui chantent : l’amour, la tradition, la fraternité. « Moi, je voulais chanter la réalité du pays, dénoncer les injustices de la société, comme l’imposition des paysans. » Il lui a fallu convaincre sa mère, se battre, s’imposer enfin.


Sa première chanson, 52 Bamako, dénonce l’esclavage domestique des enfants. Puis, avec Démystification, il s’attaque à l’excision. Cette chanson sera choisie par une ONG pour appuyer une campagne contre cette pratique mutilante. Dès lors tout se bloque. Les portes se ferment. Il est autorisé à chanter, « mais pas cette chanson ! ».


Insultes et menaces suivent notamment de la part des islamistes radicaux. Nous sommes en 2002 et Bafing Kul décide alors de quitter le Mali, pour continuer ce combat, mais en France. « Ce fut un déchirement », confie-t-il cependant.


À Paris, il se rapproche d’une association, la CAMS (Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles), et reprend sa chanson sous un autre titre : Exciser c’est pas bon. Puis ce sera la sortie de son premier album, Africa Paris.


Après une tentative de retour au pays où il fut interdit d’antenne à la télévision malienne, Bafing Kul revient à Paris, découragé. « Rien n’avait changé… » C’est alors qu’il monte, en 2009, l’association Mélodies du monde, destinée à poursuivre son combat et à promouvoir les artistes africains engagés.


En 2011, il sort Yelen (la lumière), nommé aux Victoires du reggae 2012 dans la catégorie meilleur album africain. « J’ai appelé ma musique Appolo reggae. C’est un mélange entre les rythmes traditionnels africains et celui, plus revendicatif, du reggae. » Cette même année, 2011, il prend contact avec Salah Khemissi, à la Ligne 13, pour organiser un concert célébrant la révolution malienne de 1991.


« J’ai découvert ici une ville aux cultures multiples, avec une importante population malienne, qui a la volonté de soutenir des projets. » C’est le début d’un partenariat qui se poursuit activement puisque Bafing Kul va organiser, le 9 février, un concert suivi d’un débat pour les droits des femmes, toujours à la Ligne 13, et qu’il a pour projet de monter avec Mélodies du monde un festival reggae sur trois jours en septembre, salle de la Légion d’honneur.


En attendant, il suit avec ferveur la situation de son pays. « Il faut l’aider à se libérer. Les radicaux n’ont pas de leçons d’Islam à donner aux Maliens. J’ai l’espoir que le Mali s’en sorte, mais que sera demain ? La population doit s’engager pour qu’une vraie démocratie s’installe, que l’éducation, la santé, les droits fondamentaux soient respectés. Je suis optimiste, mais le chemin sera long ! »

Benoît Lagarrigue