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Le chiffre de la semaine
/ 87 % d’étudiants étrangers en moins, candidats à Paris 8

Sur la plateforme Etudes en France, on constate une baisse des vœux des étudiants étrangers qui font une demande d’inscription pour l’université Paris 8, par rapport à la mi-janvier 2018.
Dès le 23 novembre, l’université Paris 8 a déclaré son opposition à l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers, tout comme l’IUT de Saint-Denis début décembre.
Dès le 23 novembre, l’université Paris 8 a déclaré son opposition à l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers, tout comme l’IUT de Saint-Denis début décembre.

Le 19 novembre 2018, le gouvernement annonçait une augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers extracommunautaires (en dehors des pays de l’espace économique européen et de la Suisse). Il est prévu, à la rentrée 2019, de passer de 170€ à 2 770 € pour une année de licence et de 243€/380€ à 3 770€ pour une année de master ou de doctorat. « Les universités n’ayant pas été concertées, il y a eu d’abord un effet de sidération, puis d’inquiétude », rappelle Annick Allaigre, présidente de l’université Paris 8. Dès le 23 novembre, l’établissement a déclaré son opposition dans un communiqué, tout comme l’IUT de Saint-Denis début décembre.

Si la mesure était tout d’abord censée s’appliquer aux étudiants changeant de cycle (passant d’une licence à un master ou d’un master à un doctorat), il semblerait qu’elle ne devrait concerner seulement les étudiants étrangers extracommunautaires néo-arrivants, qui n’ont jamais été inscrits dans l’enseignement supérieur français. Ceux-ci étaient au nombre de 761 à Paris 8 en 2018-2019, soit 3 % de ses étudiants. « Tant que le décret n’est pas paru, nous ne pouvons pas être sûrs de la catégorie exacte d’étudiants visée. La concertation, qui prendra fin mi-février, permettra peut-être d’en savoir plus », espère Annick Allaigre. 
 

Une sélection par l’argent

Les 5 614 étudiants étrangers extracommunautaires de Paris 8 sont encore loin d’être rassurés. « J’ai économisé avec ma famille pour pouvoir financer mes études en France. Je suis déjà titulaire d’une licence en études audiovisuelles au Sénégal, mais j’ai dû m’inscrire d’abord en troisième année de licence cinéma à Paris 8 pour pouvoir accéder au master l’année prochaine et ensuite créer une boîte dans la réalisation audiovisuelle. Tout mon projet professionnel pourrait être remis en question », s’alarme Oumar.

Même inquiétude pour Mariam, étudiante égyptienne en master 1 théâtre, qui travaille sur l’opérette : « cela serait un frein pour accéder au doctorat et je ne pourrai pas continuer ce type d’études en Egypte. » Elle travaille à temps partiel dans un centre d’appels. « Je ne peux rien économiser et les étudiants étrangers ne peuvent pas travailler plus de 20 heures par mois… », déplore-t-elle. Budget serré également pour Ricardo, étudiant colombien en M1 anthropologie. « Je fais des livraisons à vélo, mais ce que je gagne suffit seulement pour vivre. En Colombie, il y a peu de places à l’université… L’accès à l’éducation devrait être considéré comme un droit fondamental, pas comme une marchandise. » Pour Annick Allaigre, « il serait paradoxal d’avoir dans la même université la préoccupation d’une promotion sociale pour les étudiants français, et la recherche d’une élite internationale. »

 

 

La fin d’une « Université-monde » ? 

Si le plan « Bienvenue en France » du ministère de l’Enseignement supérieur avait pour but d’augmenter le nombre d’étudiants étrangers, la tendance est plutôt inversée. A Paris 8, une baisse de 87% des vœux des candidats étrangers a été constatée. Université française comportant la plus grande part d’étudiants étrangers, plus de 30 %,  « la dimension internationale de Paris 8 a été présente dès sa construction, avec l’idée de diversité, qui est aujourd’hui menacée par cette mesure », souligne Annick Allaigre. Certaines formations de l’université ont même été pensées à partir de cette diversité.

Le master Méditerrannée-Maghreb-Europe est composé à moitié par des étudiants étrangers. Sa responsable, Pascale Froment, a co-publié avec son collègue François Castaing, une tribune dans Le Monde début janvier, pour alerter sur l’une des conséquences qu’auraient cette mesure. « C’est une perte de richesse pour nos formations. Dans ce master par exemple, il est important de pouvoir mêler disciplines et horizons géographiques différents. A terme, l’image d’Université-monde de Paris 8 pourrait s’effacer. »

A l’IUT de Saint-Denis, 12,5% des effectifs sont des étudiants étrangers extracommunautaires. « Ils viennent surtout de l’Afrique francophone. Pour moi l’un des rôles de l’université française est d’accueillir les étudiants étrangers pour partager les valeurs françaises dans le monde, cela n’a pas de sens de cibler un public non-francophone, » regrette Samuel Mayol, le directeur de l’IUT.
 

Assemblée générale le 31 janvier à Paris 8

En désaccord avec cette hausse, une dizaine d’universités ont annoncé qu’elles n’appliqueraient pas la mesure. Une décision que n’a pas prise Paris 8. « En faisant ce choix, elles devront exonérer leurs étudiants, et donc payer à leur charge leurs frais. C’est une décision que nous ne pouvons pas soutenir financièrement. Stratégiquement, je préfère continuer à demander le retrait de la mesure au niveau national, » explique la présidente. Du côté des étudiants, si les assemblées générales de décembre, ont réuni plusieurs centaines de personnes à Paris 8, la mobilisation reprend progressivement depuis la fin des vacances. Une assemblée générale inter facs est prévue le 31 janvier à Paris 8.

Les étudiants en cinéma ont réalisé une vidéo avec des témoignages d’étudiants étrangers. Barbara, étudiante vénézuélienne, y a participé. « C’est difficile pour les étudiants étrangers de se mobiliser, mais c’est important de faire entendre notre voix. » Une solidarité s’organise avec les étudiants français, comme Anissa qui fait partie du comité de mobilisation. « C’est compliqué à concevoir pour moi que la personne assise à côté de moi en cours puisse payer 16 fois plus que moi sa formation, » confie-t-elle. Cette solidarité va même encore plus loin, puisque, comme d’autres, Barbara manifeste avec les gilets jaunes le samedi.

Delphine Dauvergne

Réactions

Pour entrer à l'université de Cambridge en Angleterre, il faut payer des frais de scolarité de 24966 euros (tuition fees). Pour étudier à celle d'Harvard aux États Unis il faut dépenser 37732 euros. Dans les universités anglo-saxonnes, les frais d'inscription se chiffrent en dizaines de milliers d'euros. En République Populaire de Chine, les frais de scolarité pour étudier à l'université de Pékin s'élèvent 3500 dollars soit 3063 euros. En France, même avec cette somme de 2770 euros pour une année de licence, le coût reste modéré et on est très loin des frais des établissements d'enseignement supérieur anglo-saxons. Il s'agit aussi de savoir si on a affaire à de vrais étudiants motivés pour suivre des cours et pour participer aux travaux dirigés, ou si on a affaire à de faux étudiants, absents aux cours, souhaitant seulement obtenir le statut d'étudiant pour travailler en France .
@lecteur-jsd - Les "faux étudiants" ne sont pas une spécificité des étudiants étrangers ... il y en a autant, voire plus, chez les bons français de souche ! Quoi qu'il en soit, les punitions collectives, je trouve cela assez détestable..
On parle de combien devra débourser un étranger pour étudier dans une université en France. Combien coûte un étranger aux contribuables français quand il vient étudier à l'université en France (bourses, logements, droits sociaux etc )? Que deviennent les étrangers qui échouent aux études supérieures en France? Que deviennent ceux qui réussissent leurs études supérieures en France? Pour un débat objectif, il faut jouer cartes sur table.
@Mourad Le français n'a pas besoin du statut etudiant pour rester en france et rien branler. On l'encourage à aller travailler s'il ne vient pas aux cours. Nous ressort pas l'argument d'enfant regarde ils font pareil voire pire que nous.
@Mamadou - Je pense que nous disons la même chose. @domsd- il y a toujours eu une tradition dans les universités françaises d'accueillir des étudiants faisant parti de la francophonie (Maghreb et Afrique de l'ouest). Par contre, je suis ok avec vous : il faut jouer cartes sur tables plutôt que finasser inutilement. Dernier commentaire sur la baisse des étudiants étrangers à Paris VIII : l'occupation du campus avec son saccage a du en refroidir un certain nombre.
@mourad, je suis marié à une congolaise et en conséquence je connais le nouveau néocolonialisme français qui sévit sur l'Afrique. La France pompe allégrement les forces vives du Congo-Brazzaville, en gardant pour elle, la majorité des étudiants congolais réussissant leurs études supérieures. Tout les meilleurs élèves congolais issus des lycées du Congo viennent en France pour faire des études supérieures, faute de choix de le faire sur place. Ils restent ensuite en France après les études supérieures. Chaque année l'ambassade du Congo-Brazzaville organise dans un grand hôtel à PARIS des séminaires de recrutement de congolais d'origine vivant en FRANCE dans diverses compétences professionnelles (ingénieurs, infirmières, sage-femmes, techniciens divers, commerciaux, etc) car ce pays comme tout les pays africains incluant ceux du Maghreb manque cruellement de cadres commerciaux et techniques dans tout les domaines pour son développement économique. Donc normalement un étudiant étranger qui vient faire des études en France doit revenir dans son pays d'origine par éthique patriotique et non pas décider de rester en France si il se trouve dans un domaine professionnel en grande déficience dans son pays d'origine. D'autre part je connais aussi des jeunes étrangers qui viennent travailler en FRANCE sous couvert d'un statut étudiant en sachant qu'il y a un tourisme social spécifique pour étrangers qui se développe en grand en France. Conclusion augmenter énormément les droits d'entrée pour étrangers est mesquin et même anti-démocratique, contraire aux droits de l'homme suivant la convention de 1948. La priorité est de remettre de l'éthique sociale dans l'accueil des étudiants étrangers en FRANCE en dehors de deux qui demandent un asile politique .
@domsd- J'adhère à votre propos et puis il y a une fierté pour nos universités quand on voit les plaques des toubibs ou autres notamment au Maghreb : "Diplômé de la fac de Montpellier", "Diplômé de ¨Paris Descartes", "Diplômé Sciences Po Grenoble" etc ... C'est idiot mais j'en tire toujours une fierté.
@lecteurjsd Comparer Paris 8 à Cambridge ? Ben dis donc, fallait oser ! Et puis, pour rester dans le débat, il n'y a pas si longtemps, étudier à Cambridge... c'était gratuit #merciBlairetCameron Croyez pas que c'est pas en train de venir en France, hein !