À la une En ville
Le chiffre de la semaine/
87 % d’étudiants étrangers en moins, candidats à Paris 8
Le 19 novembre 2018, le gouvernement annonçait une augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers extracommunautaires (en dehors des pays de l’espace économique européen et de la Suisse). Il est prévu, à la rentrée 2019, de passer de 170€ à 2 770 € pour une année de licence et de 243€/380€ à 3 770€ pour une année de master ou de doctorat. « Les universités n’ayant pas été concertées, il y a eu d’abord un effet de sidération, puis d’inquiétude », rappelle Annick Allaigre, présidente de l’université Paris 8. Dès le 23 novembre, l’établissement a déclaré son opposition dans un communiqué, tout comme l’IUT de Saint-Denis début décembre.
Si la mesure était tout d’abord censée s’appliquer aux étudiants changeant de cycle (passant d’une licence à un master ou d’un master à un doctorat), il semblerait qu’elle ne devrait concerner seulement les étudiants étrangers extracommunautaires néo-arrivants, qui n’ont jamais été inscrits dans l’enseignement supérieur français. Ceux-ci étaient au nombre de 761 à Paris 8 en 2018-2019, soit 3 % de ses étudiants. « Tant que le décret n’est pas paru, nous ne pouvons pas être sûrs de la catégorie exacte d’étudiants visée. La concertation, qui prendra fin mi-février, permettra peut-être d’en savoir plus », espère Annick Allaigre.
Une sélection par l’argent
Les 5 614 étudiants étrangers extracommunautaires de Paris 8 sont encore loin d’être rassurés. « J’ai économisé avec ma famille pour pouvoir financer mes études en France. Je suis déjà titulaire d’une licence en études audiovisuelles au Sénégal, mais j’ai dû m’inscrire d’abord en troisième année de licence cinéma à Paris 8 pour pouvoir accéder au master l’année prochaine et ensuite créer une boîte dans la réalisation audiovisuelle. Tout mon projet professionnel pourrait être remis en question », s’alarme Oumar.
Même inquiétude pour Mariam, étudiante égyptienne en master 1 théâtre, qui travaille sur l’opérette : « cela serait un frein pour accéder au doctorat et je ne pourrai pas continuer ce type d’études en Egypte. » Elle travaille à temps partiel dans un centre d’appels. « Je ne peux rien économiser et les étudiants étrangers ne peuvent pas travailler plus de 20 heures par mois… », déplore-t-elle. Budget serré également pour Ricardo, étudiant colombien en M1 anthropologie. « Je fais des livraisons à vélo, mais ce que je gagne suffit seulement pour vivre. En Colombie, il y a peu de places à l’université… L’accès à l’éducation devrait être considéré comme un droit fondamental, pas comme une marchandise. » Pour Annick Allaigre, « il serait paradoxal d’avoir dans la même université la préoccupation d’une promotion sociale pour les étudiants français, et la recherche d’une élite internationale. »
La fin d’une « Université-monde » ?
Si le plan « Bienvenue en France » du ministère de l’Enseignement supérieur avait pour but d’augmenter le nombre d’étudiants étrangers, la tendance est plutôt inversée. A Paris 8, une baisse de 87% des vœux des candidats étrangers a été constatée. Université française comportant la plus grande part d’étudiants étrangers, plus de 30 %, « la dimension internationale de Paris 8 a été présente dès sa construction, avec l’idée de diversité, qui est aujourd’hui menacée par cette mesure », souligne Annick Allaigre. Certaines formations de l’université ont même été pensées à partir de cette diversité.
Le master Méditerrannée-Maghreb-Europe est composé à moitié par des étudiants étrangers. Sa responsable, Pascale Froment, a co-publié avec son collègue François Castaing, une tribune dans Le Monde début janvier, pour alerter sur l’une des conséquences qu’auraient cette mesure. « C’est une perte de richesse pour nos formations. Dans ce master par exemple, il est important de pouvoir mêler disciplines et horizons géographiques différents. A terme, l’image d’Université-monde de Paris 8 pourrait s’effacer. »
A l’IUT de Saint-Denis, 12,5% des effectifs sont des étudiants étrangers extracommunautaires. « Ils viennent surtout de l’Afrique francophone. Pour moi l’un des rôles de l’université française est d’accueillir les étudiants étrangers pour partager les valeurs françaises dans le monde, cela n’a pas de sens de cibler un public non-francophone, » regrette Samuel Mayol, le directeur de l’IUT.
Assemblée générale le 31 janvier à Paris 8
En désaccord avec cette hausse, une dizaine d’universités ont annoncé qu’elles n’appliqueraient pas la mesure. Une décision que n’a pas prise Paris 8. « En faisant ce choix, elles devront exonérer leurs étudiants, et donc payer à leur charge leurs frais. C’est une décision que nous ne pouvons pas soutenir financièrement. Stratégiquement, je préfère continuer à demander le retrait de la mesure au niveau national, » explique la présidente. Du côté des étudiants, si les assemblées générales de décembre, ont réuni plusieurs centaines de personnes à Paris 8, la mobilisation reprend progressivement depuis la fin des vacances. Une assemblée générale inter facs est prévue le 31 janvier à Paris 8.
Les étudiants en cinéma ont réalisé une vidéo avec des témoignages d’étudiants étrangers. Barbara, étudiante vénézuélienne, y a participé. « C’est difficile pour les étudiants étrangers de se mobiliser, mais c’est important de faire entendre notre voix. » Une solidarité s’organise avec les étudiants français, comme Anissa qui fait partie du comité de mobilisation. « C’est compliqué à concevoir pour moi que la personne assise à côté de moi en cours puisse payer 16 fois plus que moi sa formation, » confie-t-elle. Cette solidarité va même encore plus loin, puisque, comme d’autres, Barbara manifeste avec les gilets jaunes le samedi.
Delphine Dauvergne
Réactions
lecteur-jsd (Pseudonyme non vérifié)
30 janvier 2019
Mourad (Pseudonyme non vérifié)
31 janvier 2019
domsd (Pseudonyme non vérifié)
31 janvier 2019
Mamadou (Pseudonyme non vérifié)
01 février 2019
Mourad (Pseudonyme non vérifié)
01 février 2019
domsd (Pseudonyme non vérifié)
03 février 2019
Mourad (Pseudonyme non vérifié)
04 février 2019
Logique ! (Pseudonyme non vérifié)
04 février 2019