Sports
Water-polo/
« Tisser une toile sur le territoire séquano-dionysien »
Le JSD : Vous avez passé l’essentiel de votre carrière dans votre club formateur de Noisy-le-Sec et gardé les buts de l’équipe de France aux JO 2016 à Rio. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Jonathan Moriamé :J’ai eu cette chance d’avoir pu jouer dans toutes les catégories avec mon club formateur, de 7 à 16 ans, âge auquel j’ai intégré l’équipe première. J’y ai connu le titre de champion de France de N3 en 2000 et la montée en N1 deux ans plus tard. J’ai quitté le cocon pour jouer une saison en 1re division à Taverny avant de revenir au bercail et de connaître l’élite avec Noisy en 2006. Cette année-là, on se qualifie même pour la Coupe d’Europe. J’ai donc eu l’occasion dans ma carrière d’affronter aussi bien Barcelone que Hérouville ! (rires) Blague à part, cela a été crucial dans ma construction de poloïste, cela m’a appris à ne négliger aucun adversaire. J’ai débuté en équipe de France à 20 ans en 2004. J’ai donc participé aux JO de Rio mais aussi aux championnats d’Europe en 2014. Ce furent des expériences formidables.
Dans la foulée, j’ai arrêté ma carrière de joueur pour devenir coach au Cercle des nageurs noiséens. Nous avons commencé dès cette période, avec les présidents concernés, à envisager un rapprochement entre les clubs du 93, de mutualiser nos forces en vue des JO 2024 de Paris. Avoir passé l’essentiel de ma carrière à Noisy-le-Sec, cela m’a aussi rapproché des clubs voisins tels Livry-Gargan ou le Sdus. En N2 j’ai joué beaucoup de derbys contre Saint-Denis, c’étaient des matches à la saveur particulière !
LIRE AUSSI / Water-polo : Saint-Denis rentre dans le cercle
Le JSD : Le Sdus a intégré cette saison le Cercle 93 tout comme les clubs de Livry-Gargan et Noisy-le-Sec, quels sont les enjeux d’une telle entité ?
JM :L’idée de rapprocher ces trois clubs est née d’un constat simple : les meilleures équipes de l’élite – Marseille, Nice, Montpellier et Lille – sont issues de grandes villes aux bassins de population considérables. Il apparaissait nécessaire de mutualiser notre potentiel, de tisser une toile sur le territoire séquano-dionysien, pour avoir les moyens de faire découvrir le water-polo au plus grand nombre et d’accompagner certains jeunes vers le haut niveau. Il y a une forte culture de sports collectifs dans le 93 et des talents à faire éclore : Mbappé a grandi à Bondy, Mehdi Marzouki, l’un des meilleurs joueurs français de water-polo vient de Noisy-le-Sec et ce ne sont que deux exemples parmi d’autres. C’est un peu cliché mais au-delà des problèmes qui ressortent souvent dans les médias, ce département est un terreau très fertile pour le sport, la culture… Je me suis toujours battu pour casser l’image du jeune de banlieue à problèmes.
En équipe de France, j’étais moi-même perçu comme le gamin qui vient du 93, avec les préjugés qui vont avec. Il était donc essentiel selon moi de pouvoir mutualiser nos forces. Pour révéler davantage de jeunes poloïstes et surtout les garder plus longtemps, nous devons être en mesure de leur proposer un projet sportif plus ambitieux. C’est la vocation du Cercle 93 : une structure qui permet aux jeunes du coin de s’épanouir dans la pratique du water-polo, quel que soit leur niveau. Aujourd’hui, avec un club dans chaque strate – Noisy en 1re division, Livry-Gargan en N1 et le Sdus en N2 – nous avons la possibilité de constituer des équipes dès le plus jeune âge et de faire progresser un joueur jusqu’au niveau professionnel sans qu’il quitte son département.
Le JSD : Quels sont vos objectifs cette saison ?
JM :Nous travaillons au développement d’une section féminine complète : nous avons des équipes féminines de toutes les catégories de jeunes, on espère pouvoir monter une équipe senior dès l’année prochaine et pourquoi pas accueillir des joueuses de niveau international à l’horizon 2024. Le public féminin reste difficile à fidéliser : à l’adolescence, quand leur corps change, les jeunes filles peuvent se sentir moins à l’aise avec l’idée de pratiquer un sport en maillot de bain, d’assumer son corps face au regard des autres… Cela fait partie des contraintes de la pratique et c’est un enjeu important en termes de sociabilité et de construction de soi. Monter une équipe féminine de bon niveau est essentiel pour maintenir leur motivation intacte, leur donner envie de poursuivre avec nous. Mais à très court terme et dans ce le contexte sanitaire actuel, l’objectif est de pouvoir finir la saison : pour l’équipe pro mais aussi pour les jeunes, qui peuvent facilement perdre le rythme ou décrocher quand les entraînements s’interrompent. C’est important pour nous de garder un lien avec tous les adhérents !
Propos recueillis par Corentin Rocher
LIRE AUSSI : Prêts à sauter dans le grand bain ?