En ville
Marc Mimram, architecte du Franchissement urbain Pleyel/
« L'essentiel est de pouvoir "habiter" le pont »
LeJSD : Quelles sont les réponses apportées par la conception du Franchissement urbain Pleyel (FUP) ?
MARC MIMRAM : L’idée est de développer Saint-Denis à l’ouest des voies du chemin de fer, sachant que le réseau ferré à cet endroit est le plus important d’Europe avec le trafic provenant de la Gare du Nord et ses nombreuses lignes à grande vitesse. En conséquence de cette surlargeur de plus de 300 mètres, on a décidé de mettre la nouvelle gare du Grand Paris Express à l’ouest tandis que la gare existante du Stade de France Saint-Denis est à l’est des voies. Il y a donc trois objectifs. Le premier est de relier les deux gares. Le second est de désenclaver le quartier Landy-Pleyel qui est difficilement accessible car il n’y a qu’un seul pont qui permet d’y accéder pour le moment. Il faut savoir qu’à Paris, dans la même configuration, il y a davantage de ponts pour passer d’une rive à une autre. Si l’on imagine ces voies ferrées comme un fleuve, la fracture est-ouest est immense. Par conséquent un pont est nécessaire pour relier ces deux parties de la ville. Enfin, le troisième objectif est de proposer un véritable lieu de vie, de rencontre et de convivialité avec de la liaison douce par voie piétonne et en transports en commun.
LeJSD : Vous l’avez évoqué, Paris n’a pas de problème de franchissement entre ses deux rives, comment expliquer cette fracture territoriale Est-Ouest en banlieue nord ?
MM : A Paris intra-muros, sur l’étendue de la Seine (ndlr : soit environ 13 km), il y a 37 ponts actuellement. Sur la même dimension, en banlieue nord, il y en a moins d’une dizaine (ndlr : six ponts permettent de relier la Seine Saint-Denis (rive droite) aux Hauts-de-Seine/Val d’Oise (rive gauche)). Les distances entre chaque pont sont très larges sur ce territoire, la liaison entre l’est et l’ouest est donc très réduite. Historiquement, les quartiers ouest dionysiens étaient réservés à l’industrie qui s’y était installée car elle avait des facilités d’accès via les canaux et par le train. Tout cela s’est transformé en logements, en morceaux de ville ou en bureaux. Les personnes s’y installant ont besoin d’accéder facilement à leurs lieux d’habitation. Notre souhait est de supprimer cette frontière.
LeJSD : Pourquoi le nom de « franchissement urbain » ?
MM : Le franchissement urbain est à la fois un lien mais aussi un lieu de rencontre et un espace public pour tous les habitants de Saint-Denis. Les personnes présentes sur l’ouvrage peuvent participer à des événements. Nous avons imaginé une partie habitée le long de la partie nord du pont de manière à ce que la rupture urbaine soit la plus faible possible avec deux lieux couverts, l’accès à la gare du Grand Paris express mais aussi un équipement culturel. L’essentiel est de pouvoir « habiter » le pont.
LeJSD : A la vue du développement rapide de cette partie de Saint-Denis, n’a-t-on pas besoin de plusieurs ouvrages de ce type ? Un seul va-t-il suffire ?
MM : Soyons raisonnable (rires), essayons déjà de réaliser celui-ci et regardons comment il peut servir d’exemple pour la suite. C’est déjà un exploit. On réalise le pont au dessus de voies de chemin de fer pendant que les trains continuent de circuler. L’interruption de trafic ne peut intervenir que 4h par nuit dans des coupures prévues trois ans à l’avance ! C’est une conception très sophistiquée.
Recours contre le franchisssement urbain Pleyel
LeJSD : Entendez-vous les réserves que peuvent émettre certains sur le FUP ? Son utilité est reconnue mais son impact sanitaire est parfois remis en cause.
MM : Nous ne créerons aucune pollution sonore supplémentaire, actuellement provoquée par le passage des trains. Et je le répète, l’essentiel des déplacements sur l’ouvrage sera effectué à pied ou en mobilité douce et totalement compatible pour les personnes à mobilité réduite. Une voie est réservée à la voiture, le bus étant en site propre. Nous avons travaillé sur la réduction de l’impact carbone et les matériaux utilisés pour la mise en œuvre.
LeJSD : L’ouvrage sera-t-il prêt pour les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 ?
MM : La partie piétonne, celle qu’on appelle la passerelle sera bien réalisée et accessible pour les JOP en 2024. La partie pont, quant à elle, ne le sera que partiellement. Elle sera finalisée par la suite.
Propos recueillis par Christopher Dyvrande