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Marche des fiertés en banlieue/
« Ce qui m’intéresse, c’est l’auto-organisation »
Son militantisme « queer » d’abord, puis antiraciste plus tard, a pour point d’ancrage Twitter. Sur le bouillonnant réseau social, Jean-Victor Rath Vireah, alors lycéen à Rennes, prend connaissance d’un certain monde militant, de ses sphères, de ses collectifs et figures importantes. Puis, il se fait peu à peu la main sur des sujets aujourd’hui très médiatisés comme les luttes féministes, notamment celles de l’afroféminisme, l’antiracisme et les « questions LGBTQIA + » (1) en se documentant dans des librairies spécialisées.
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« Je me rappelle qu’une librairie indépendante consacrée à toutes ces questions avait ouvert à Rennes. J’ai découvert des ouvrages comme Manifeste contre la normalisation gay d’Alain Naze, De la marge au centre de Bell Hooks, Décoloniser l’esprit de Ngugi Wa Thiong’o ou encore Afrofem du collectif Mwasi, Marianne et le garçon noir de Leonora Miano » Et la liste est encore longue. L’étudiant de 22 ans, inscrit en L1 sociologie à l’université de Paris 8, est curieux. Les figures militantes qui l'inspirent ? « Assa Traoré, Laura Nsafou, Fatima Ouassak, Rokhaya Diallo, Amandine Gay... ». Des femmes essentiellement. Depuis le lycée, Jean-Victor est accompagné par un entourage amical majoritairement féminin. « Le peu de fois où j'ai pu subir du harcèlement en raison de mon homosexualité, j'ai toujours été défendu par mes amies, mes protectrices. »
Lors de son arrivée à Paris (il va s’installer à Épinay-sur-Seine) il y a trois ans, Jean-Victor participe à des conférences, des marches LGBTQIA + ainsi qu’à d’autres événements organisés pour lutter contre toutes les formes de discriminations. « À Rennes, il y avait pas mal de rencontres, de collectifs sur toutes ces questions, il y a même une Pride assez forte. Mais c’est vraiment à Paris que j’ai pu développer mon horizon militant. »
Une Pride « politique, radicale »
9 juin 2019. La première Marche des Fiertés en banlieue se déroule à Saint-Denis. Le défilé réunit un millier de personnes. « L’année dernière, quand j’ai su qu’il y avait une Pride des banlieues qui allait se faire, je me suis dit “Enfin !’’. Enfin, une Pride à revendication politique, radicale portée par les personnes les plus invisibilisées de la communauté LGBTQIA + ». Pour l’étudiant, le fait qu’une Marche des fiertés ne se fasse pas dans le « centre », c’est-à-dire à Paris, a une tout autre portée. Notamment politique.
« Une Pride des banlieues ne touche pas les mêmes publics, développe Jean-Victor. Avec des amies “LGBTQIA +non-blanches”, on se demande par exemple si on va assister à la Pride du 7 novembre à Paris si elle est maintenue. On n’est pas forcément à l’aise parce que nous sommes des minorités et, il faut le dire, c’est une Pride très blanche qui porte des revendications dans lesquelles on ne se reconnaît pas forcément. J’y ai déjà été la cible d’attaques racistes. » Sur ce sujet, l’étudiant développe : « Dès qu’on parle de racisme dans la communauté queer, tout de suite on se prend des réflexions comme “vous divisez la lutte”. On nous fait comprendre que ce n’est pas le problème principal. Mais la communauté LGBTQIA+ n’échappe pas aux dynamismes de discriminations qui existent dans la société en général. Dans la communauté, le racisme est plus insidieux, affirme Jean-Victor.
EN IMAGES : Première marche des fiertés en banlieue, le droit d'être fièr(e)s.
Pour l’étudiant né au Cambodge et adopté à 2 ans, la Marche des fiertés aujourd’hui se doit d’être inclusive et de croiser les luttes : violences policières, antiracisme, droits des femmes et autres minorités, mouvements sociaux… Celui qui aimerait plus tard faire de la recherche autour de l’organisation politique des quartiers populaires précise : « Ce qui m’intéresse aussi en tant que militant, c’est l’auto-organisation, l’autonomie en rupture de l’État. Ça fait écho à la Pride. Je suis pour une Pride indépendante, qui ne soit pas préparée par une association subventionnée, soutenue par l’État ».
(1) LGBTQIA + : Lesbienne, Gay, Bi, Trans, Queer, Intersexe, Asexuel, et +pour « et tous les autres ».
Yslande Bossé
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dominique (Pseudonyme non vérifié)
09 octobre 2020
Move (Pseudonyme non vérifié)
09 octobre 2020
Leo (Pseudonyme non vérifié)
09 octobre 2020
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