Cultures
Festival de Saint-Denis /
« À la base, je n’aime pas la musique… »
Après un mois de concerts, le Festival de Saint-Denis s’achève cette semaine et le rendez-vous a été riche, comme à son habitude, en émotions et en découvertes. Et les adolescents du territoire en ont profité eux-aussi, grâce notamment aux programmes de sensibilisation mis en place par le festival dans les collèges de Saint-Denis et de Plaine Commune. Parmi les initiatives pédagogiques orchestrées par le FSD, la rencontre entre une classe relais et le percussionniste de l’Orchestre national de France, Emmanuel Curt, témoigne de la volonté de ne laisser personne sur le bas-côté de la route qui mène à l’émancipation… par la musique !
Après plusieurs sessions durant lesquelles les élèves décrocheurs et leur « enseignant
» ont appris à s’apprivoiser, un peu plus de la moitié a pu terminer le cursus. Mais le changement a été radical pour ceux qui sont restés jusqu’au bout, comme en témoigne Justine Laneuville, chargée des programmes pédagogiques au sein de l’équipe du Festival. « Au début, c’est vrai que c’était difficile de capter leur attention. Mais là, ça n’a plus rien à voir. Il y a une réelle progression sur leur attitude et leur capacité de concentration
», se réjouit-elle, consciente des difficultés scolaires auxquelles sont confrontés ces adolescents. Lors de la dernière session en juin, qui avait lieu au collège Pierre De Geyter, il s’agissait de restituer une composition originale co-écrite avec Emmanuel Curt. Kelia, Souley, Tawfik et Madi, munis de leurs percussions respectives, ont joué durant 4 minutes le morceau. « Tu vois Souley, tu étais tellement transporté par la musique que tu souriais pendant toute la chanson
», encourage avec enthousiasme le percussionniste.
Pas facile d’insuffler le goût de la musique classique dans leurs jeunes caboches plutôt habituées à dodeliner sur des tubes R’n’B ou rap. « À la base, je n’aime pas la musique… J’aime juste le hip-hop et le R’n’B
», confirme Kelia. À côté d’elle, ses trois autres camarades reviennent sur leurs aventures durant cette session d’ateliers. « J’ai bien aimé les violons lors de la générale à la Maison de la Radio
», lance Madi. « Moi, j’ai tout aimé quand on a visité les studios de Radio France
», renchérit Tawfik tout en remballant les instruments.
« Ce sont des gamins qui ont besoin d’une attention maximale. Il a fallu un peu de temps pour qu’ils ouvrent les vannes,
explique bienveillant Emmanuel Curt. Ils sont à fleur de peau et ils ont une telle sensibilité musicale !
», décrit-il. Sa carrière longue de dix-sept années au sein de l’Orchestre national de France ne l’a évidemment jamais préparé à ce genre d’expérience aussi enrichissante soit-elle. « C’est la première fois que je fais quelque chose que je ne maîtrise pas. La transmission orale, c’est la meilleure façon d’enseigner la musique, contrairement à ce que l’on nous apprend au Conservatoire. D’ailleurs, ils savaient tout de suite quand eux ou l’un des élèves se trompaient, ils ont une grande mémoire. Ce sont des éponges, ils absorbent tout !
»
Après les visites qui les ont menés de Radio France au CRR 93 d’Aubervilliers-La Courneuve, les adolescents ont fini par se livrer en musique et épancher leur soif de stimulation. Comme un éveil qu’ils se seraient toujours vu confisquer. « L’objectif ce n’est pas qu’ils s’inscrivent ensuite au Conservatoire mais plutôt de planter une petite graine dans leurs têtes
», reconnaît Emmanuel Curt. En espérant que cette graine porte ses fruits.
Maxime Longuet
Réactions
franck mory (Pseudonyme non vérifié)
01 juillet 2017